CINEMA

LA POSSÉDÉE de Curtis Bernhardt : consumée d’amour

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Louise (Joan Crawford) erre dans les rues de Los Angeles recherchant désespérément un certain David. Complètement déboussolée, elle atterrit dans un hôpital psychiatrique où des médecins tentent de lui faire retrouver la mémoire. Nous découvrons alors comment petit à petit elle en est venue à perdre la tête.

Flashback. Employée de maison pour un riche businessman, Dean Graham (Raymond Massey), Louise est une femme sans histoires ni passions. Jusqu’à ce qu’elle entame une liaison avec David (Van Heflin), collaborateur de Graham. Débordant d’amour, elle finit par l’étouffer et il rompt. La belle ne se remet pas de cette séparation, refuse d’y croire, insiste, laissant David l’humilier de plus en plus. Dans la maison de Dean Graham, elle n’a plus le cœur à l’ouvrage. La femme de ce dernier, malade, passe son temps à malmener son époux et à insinuer qu’il la trompe. Un jour, l’épouse s’enfuit de sa chambre et meurt d’un accident. Sa fille Carol (Geraldine Brooks) accuse Louise d’être responsable de sa disparition et de vouloir mettre le grappin sur le riche Graham. Louise nie en bloc, toujours focalisée sur David. Comprenant qu’elle n’a plus aucune chance avec lui, elle s’effondre. Son employeur Dean Graham, sans savoir ce qui la tracasse tant, la réconforte et lui avoue son amour. Ils deviennent mari et femme.

Alors que l’ancienne amoureuse éconduite peut compter sur un mari aimant, dévoué, et que sa relation avec Carol s’est apaisée, le retour en ville de David réveille les vieilles rancoeurs. D’autant plus qu’il se met à draguer la jeune Carol…

la possédée film curtis bernhardt

Ouverture magnifique et inquiétante, Joan Crawford déambulant dans les rues de Los Angeles sans maquillage… La possédée (Possessed en VO) débute comme un film noir. C’est pourtant en plein drame psychologique que le réalisateur Curtis Bernhardt va nous entraîner. Le drame intime d’une femme dont le premier grand amour réveillera ses démons enfouis. Au bout du rouleau dans le lit d’un hôpital psychiatrique, Louise se souvient. Tout allait si bien avec David, au début… Ils formaient un jeune couple harmonieux, il était tendre et aimait l’odeur de ses cheveux. Mais il n’a pas supporté qu’elle lui avoue son amour. A peine Louise se dévoile-t-elle qu’il la rejette. Un choc émotionnel. Bouleversée, Louise va donc comme le titre du film l’indique, se révéler possédée par son amour pour un homme qui ne lui donne plus rien en retour. La complicité entre Louise et David se transforme alors en duel.

Gare à la passion, à l’amour inconditionnel : quand cela n’est pas réciproque, on a vite fait de perdre la tête. Econduite, de plus en plus désemparée face au rejet de celui qu’elle pensait être l’homme de sa vie, Louise passe de l’amour à la haine. Les confrontations entre Joan Crawford et Van Heflin sont particulièrement savoureuses, d’une grande cruauté. Ne parvenant pas à se satisfaire de sa deuxième chance avec un homme qui l’aime pour ce qu’elle est, l’employée de maison devenue épouse cède à ses obsessions. Progressivement elle se perd entre fantasmes, cauchemars, souvenirs refoulés et réalité. L’intrigue tient grandement en haleine et mêle à merveille drame sentimental et thriller. Amours déçus, pulsions, manipulations : tout y est.

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Si La possédée dresse le portrait d’une amoureuse tragique en pleine dérive, évoque avec plus ou moins de subtilité le thème de la schizophrénie, il parle aussi et surtout de l’amour fou. Celui de Louise pour David malgré son indifférence, celui de la femme de Dean Graham pour son époux qu’elle soupçonne d’être infidèle, celui de ce dernier pour Louise, quoi qu’elle fasse. L’amour se montre alors sous son visage le plus pur (tout pardonner, ne pas juger, s’engager) et le plus sombre (délaissés, les amoureux déchus deviennent colériques voire très dangereux).

Doté d’une excellente distribution et porté par une mise en scène élégante et souvent vertigineuse, brouillant les pistes et les genres, La possédée nous ensorcelle, intense et terrible portrait d’une femme perdue.

Film sorti en 1947 et disponible en DVD 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3