FICTIONS LGBT

LAN YU de Stanley Kwan : amour gay à Pékin

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Chen Handong (Hu Jun) est un homme d’affaires sûr de lui et au portefeuille bien garni. De temps en temps, il s’offre des garçons pour la nuit. La chose est bien entendu tenue secrète, car il s’agit de liaisons entre hommes et que nous sommes à Pekin où l’homosexualité est loin d’être tolérée.

Un soir, Chen craque un peu pour un mâle dont il a payé les services. Il s’appelle Lan Yu (Liu Ye), c’est un jeune étudiant en architecture, sensible, à croquer. Leur relation tarifée devient régulière et l’argent laisse juste la place au plaisir d’être ensemble. Mais à Lan Yu qui commence à s’attacher, Chen Handong offre un avertissement : dès qu’il commence à trop connaître quelqu’un, que cela devient sentimentalement dangereux, il rompt.

Alors que les deux hommes finissent par tomber amoureux, Chen rencontre une jeune traductrice. Pris d’une envie de se ranger, d’être comme tout le monde, de « grandir » , il met un terme à son histoire avec Lan Yu et envisage de se marier. Mais la force de ses sentiments pour le jeune homme le conduiront à retrouver son chemin…

lan yu film

Lan Yu (rebaptisé « Histoire d’hommes à Pékin » pour sa sortie française) est un drame intimiste et subtil sur un amour gay dans une Chine où l’on ne peut clairement pas s’affirmer. Pour le coup, le film est composé majoritairement de scènes d’intérieur. Chen Handong et Lan Yu peuvent vivre leur amour entre les murs mais ne pourront jamais vraiment s’afficher. Peu leur importe, tant qu’ils peuvent se faire des câlins et fusionner dans l’intimité. Le scénario semble basique : une histoire entre deux hommes dans une société intolérante, la peur de l’engagement, la difficulté de s’assumer, d’ouvrir son cœur. Oui c’est bien du déjà vu mais le réalisateur Stanley Kwan (lui-même gay) peuple son film de petits détails à priori anodins mais qui donnent un charme indéniable à l’ensemble. Ce sont des petits gestes d’amour maladroits, des regards…

La réalisation opte pour la sobriété mais témoigne d’une grande élégance. Beaucoup de plans fixes parfaitement composés où on découvre les personnages entre ou à travers des portes, des fenêtres, des couloirs. Il règne une certaine mélancolie et on fond rapidement pour le personnage de Chen, homme de pouvoir, très affirmé dans sa vie professionnelle mais complètement bloqué quand il s’agit de sentiments. Il faudra beaucoup de temps et d’évènements pour qu’il réalise et accepte ses sentiments vis-à-vis de Lan Yu.

Très vite ce qui n’aurait pu être qu’une romance gay de plus devient une magnifique histoire d’amour universelle, avec cette sensation bizarre d’être un membre de cette histoire, d’être toujours avec les personnages. Et le scénario parvient à éviter le pathos grâce à de nombreuses ellipses tout en restant dans l’émotion, donnant à certains moments une ambiance presque fantomatique. Avec modestie, courage et sensibilité, Stanley Kwan signe un drame sentimental aussi efficace que personnel.

Film sorti en 2002 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3