CINEMA
L’ANGLE MORT de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic : invisible
Duo de réalisateurs français nous ayant habitué à un cinéma surprenant et singulier (leurs films « Dancing » et « L’autre » sont à découvrir), Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic étonnent une nouvelle fois avec « L’angle mort » qui ancre le fantastique dans le quotidien.
Dominick Brassan (Jean-Christophe Folly) est un homme discret. Il n’a pratiquement pas d’amis, un petit boulot tranquille où il emballe des guitares, une petite amie, Viveka (Isabelle Carré), qui aimerait qu’il s’investisse un peu plus. Dominick fuit les autres et le monde car il a un secret : il peut se rendre invisible. Il n’abuse pas de ce pouvoir et ne l’assume pas franchement. Mais voilà qu’un jour, Richard (Sami Ameziane), un homme qui a le même pouvoir que lui vient le voir pour lui apprendre que les choses se détraquent. Ils seraient un certain nombre à pouvoir se rendre invisible, à passer d’un état à un autre sauf que ce pouvoir disparait pour certains ou amènent d’autres à rester bloquer dans l’invisibilité jusqu’à devenir fous.
Alors que des morts étranges surviennent en ville, Dominick va devoir faire le point sur celui qu’il est et surtout celui qu’il a envie de devenir alors que sa copine lui échappe et que sa mère tombe malade…
On retrouve toute l’étrangeté du cinéma de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic dans L’angle mort même si ce nouveau long-métrage est peut-être le moins fort et le moins perturbant qu’ils aient produit. Cela est sans doute lié au fait que cette fois-ci l’aspect thriller est un peu laissé de côté pour laisser une part plus importante à la fantaisie. N’ayant pas peur du mélange des genres, les cinéastes font cohabiter fantastique, romance, comédie et cinéma de genre. En résulte une oeuvre pas toujours très bien tenue, brouillonne, avec des dialogues et une voix off maladroites. Il y a beaucoup d’imperfections, ça n’est pas toujours facile à suivre et pourtant on ne peut s’empêcher de trouver l’ensemble attachant.
Le charme du film vient de son petit grain de folie, sa liberté de ton, son originalité. Les comédiens font du bon boulot et rattrapent souvent un scénario qui s’éparpille. L’effet d’un film qui se cherche, qui réussit ou rate parfois. Parmi les réussites, notons les belles scènes avec Golshifteh Farahani en femme aveugle qu’on aurait aimé justement aimé voir davantage à l’écran.
A travers son « super héros ordinaire », L’angle mort convoque à nouveau des thématiques chères à ses auteurs (la figure du double, l’aspect schizo, le visible et l’invisible, la marge). La réflexion sur le fait de voir, sur le regard, est intéressante et on se prend au jeu de ce qui s’apparente à une métaphore sur les laissés pour compte même si le caractère fouillis du film pourra en égarer plus d’un.
Film sorti le 16 octobre 2019