FICTIONS LGBT

LAST SUMMER de Mark Thiedeman : un amour gay adolescent

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Arkansas, un été. Luke (Samuel Pettit) participe à des cours de rattrapage et anticipe le départ de son amour de toujours, Jonah (Sean Rose). Ils ne se sont jamais quittés depuis l’enfance, ont grandi et tout partagé ensemble. La fin du lycée vient tout chambouler : Jonah, élève brillant, va partir à l’Université tandis que Luke va rester sur place. Ils profitent de leurs derniers instants, se baladent, traînent au lit… A la beauté des étreintes et des moments à deux se mêle peu à peu la peur du changement, d’une possible rupture…

last summer film mark thiedman

L’amour adolescent entre deux garçons a déjà été traité dans de nombreux films. Pour son premier long-métrage le réalisateur Mark Thiedeman décide d’explorer ce genre à part entière avec son regard, sa propre sensibilité. Le générique d’ouverture annonce la couleur : musique classique, enchaînement langoureux de plans évoquant des peintures et des photographies. Last summer (un peu à la façon des films sensoriels et sensuels de Julian Hernandez) est un poème visuel, une plongée nostalgique et mélancolique au cœur du premier amour, celui qui nous forge et que l’on n’oublie jamais.

Luke et Jonah sont inséparables, fusionnels malgré leurs différences. Luke est plutôt terre à terre, sans ambitions réelles, Jonah est promis depuis le plus jeune âge à un brillant avenir. L’un reste, l’autre part. On apprécie déjà dans un premier temps le traitement de l’homosexualité : c’est extrêmement doux, apaisé, à des kilomètres des éternels films de coming out dans la torpeur. Les familles de Luke et Jonah n’ont aucun problème avec leur amour, ils redoutent même presque autant qu’eux leur séparation. Mais ce qui va surtout faire le sel de cette œuvre très visuelle, c’est son atmosphère. Mark Thiedeman nous invite à une rêverie alignant les plans hypnotiques, sublimant aussi bien ses deux jeunes acteurs à croquer (il s’attarde à la fois avec pudeur et gourmandise sur leur peau, leur visage d’ange, leurs mains, leurs pieds) que le cadre bucolique qui les entoure.

Il y a chez le cinéaste une vraie fascination pour le détail, ces petites choses anecdotiques, ces objets qui nous ramènent à des souvenirs à la fois merveilleux et douloureux. Des paires de chaussures, un vélo, une couverture, la poussière sur un livre… On réalise d’ailleurs au fil du métrage que le générique mettait en avant des éléments ordinaires du quotidien des jeunes hommes en les sublimant. Nul doute que pour Luke chaque lieu, chaque objet, chaque paysage sera hanté par le visage du seul ami qu’il ait jamais eu. Ce qui s’annonce est terrible : la fin d’un amour pur, fusionnel, incandescent. Ils ont beau se promettre de rester ensemble, de ne pas se perdre, ils savent très bien qu’une fois Jonah parti, plus rien ne sera comme avant. Luke apparaît comme de plus en plus résigné tandis que Jonah, la boule au ventre, lui confesse avoir envie qu’il lui demande de rester.

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La photographie est sublime, le travail sur le son subtil, les textes en voix off dotés d’une écriture des plus délicates. Last Summer fait resurgir par petites touches nos émotions d’ados, ces petits riens qui font s’emballer et se déchirer les cœurs. Si Mark Thiedeman fait de l’amour adolescent un fantasme intemporel, il évoque aussi le mystère de ce qui lient les êtres, cette chose  invisible et magnifique. Il est enfin aussi beaucoup question du rapport à sa terre natale, celle de l’enfance, celle au sein de laquelle on s’est construit et qu’un jour on peut être amené à quitter ou non. Cette terre est intimement assimilée à ceux qui y habitent, à des lieux, des images. Alors que son tendre compagnon lui échappe, Luke se met à la photographie, comme pour capturer chaque instant, figer le temps.

Les différences entre Luke et Jonah leur ont permis de vivre un amour complice, de se compléter, mais c’est aussi ce qui les amène à se séparer. Pendant que Luke rate ses cours d’été, voit la menace du « no future » se rapprocher, Jonah s’apprête à découvrir un nouveau monde. En attendant cet instant où tout sera bouleversé, on suit avec une mélancolie de plus en plus prononcée ces deux teenagers, semblant seuls au monde, dans un paradis qui n’appartient qu’à eux. Last Summer nous rappelle à quel point la force de la mise en scène peut amener vers des sommets de beauté et d’intensité l’histoire la plus commune. Ou comment, par un regard affirmé et inspiré, l’amour adolescent semble réinventé. Il y a beaucoup de magie là-dedans…

Film produit en 2013 et disponible sur OutplayVOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3