CINEMA

LAURA de Otto Preminger : fous d’elle

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Entre drame sentimental et film policier, Laura de Otto Preminger nous plonge dans une enquête sophistiquée où la somptueuse Gene Tierney, vivante ou morte, obsède tout le monde.

Laura Hunt (Gene Tierney) a été retrouvée morte dans son appartement. Le lieutenant-détective Mark McPherson (Dana Andrews) mène l’enquête et commence par se rendre chez le plus fidèle ami de la disparue, Waldo Lydecker (Clifton Webb). Homme aux allures de dandy, cultivé, raffiné et légèrement vipère sur les bords aussi, Waldo était très attaché à Laura qu’il considérait comme sa muse et en quelque sorte sa création.

C’est grâce à lui que cette femme intelligente à la beauté éclatante a réussi à bâtir une grande carrière et devenir la femme forte et indépendante que tout le monde désire. Assurément jaloux de quiconque pourrait lui voler la vedette auprès des yeux de sa protégée, Waldo voyait d’un mauvais oeil le rapprochement entre Laura et un jeune voyou arriviste usant de ses charmes pour intégrer la haute société : Shelby Carpenter (Vincent Price). Ce dernier était sur le point d’épouser la belle juste avant sa disparition. Waldo raconte à McPherson qu’elle était en plein doute…

L’un de ces deux hommes pourrait-il être l’auteur du crime ? A moins que ce ne soit Ann Treadwell (Judith Anderson), éprise de Shelby et jalouse de ses fiançailles annoncées ? Que ce soit le lieutenant-détective ou les suspects, personne n’est au bout de ses surprises…

laura otto preminger

Difficile de ne pas être envoûté par ce long-métrage maitrisé et envoûtant d’Otto Preminger. La mise en scène est splendide, la bande-originale tout autant, l’intrigue réserve son lot de surprises et les dialogues sont à la fois délicieux et incisifs. Le meurtre de la belle Laura Hunt est l’occasion pour le spectateur de plonger dans un Cluedo où les faux-semblants abondent. Personne n’est réellement celui qu’il prétend être et même si chacun fait le maximum pour sauver les apparences, petit à petit le vernis craque.

Ce qui est certain, c’est que personne ne pouvait résister à la belle disparue. Le chroniqueur radio Waldo Lydecker la mettait sur un piédestal, Shelby Carpenter voulait l’épouser, sa bonne lui vouait une adoration sans limite et même le lieutenant-détective McPherson se surprend à être fasciné par son image alors qu’elle est morte ! Elle est l’objet de toutes les conversations du métrage et son fantôme obsède. Magnétique, même quand elle n’est plus là, avec ce tableau d’elle qui trône dans son salon et qui semble épier les conversations.

laura otto preminger

Alors que McPherson avance petit à petit dans son enquête, Waldo et Shelby se remémorent leur rencontre et leur attachement à Laura via des flashbacks. L’occasion de voir le personnage en chair et en os, incarné par la magnifique et captivante Gene Tierney.

Mine de rien, pour un film des années 1940, c’est un beau portrait de femme indépendante qui est fait et qui n’a pas peur de tenir tête aux hommes. Mais ces derniers ne peuvent évidemment pas s’empêcher d’essayer de la manipuler ou de la contrôler, avec ce désir à peine voilé de vouloir la posséder.

Si le film tient parfaitement en haleine notamment avec un beau retournement de situation dans sa deuxième partie, on craque aussi pour son atmosphère implicitement queer. Il y a la bonne qui semble un peu amoureuse de sa patronne, la façon souvent sensuelle qu’a Otto Preminger de filmer Dana Andrews (qui devient de plus en plus beau et désirable au fil du métrage) et surtout ce curieux personnage de Waldo Lydecker accroché comme une sangsue à l’image parfaite de la Laura qu’il a voulu créer. Pygmalion obsessionnel et probablement homo refoulé, il apporte beaucoup de piment au film notamment avec ses répliques acides.

Film sorti en 1944. Disponible en DVD et VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3