CINEMA

LE LOUP DE WALL STREET de Martin Scorsese : toujours plus

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Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio) n’a toujours rêvé que d’une chose : gagner beaucoup d’argent. Issu d’un milieu modeste, il a commencé par le bas de l’échelle à Wall Street, découvrant un univers fait d’hommes assoiffés et surexcités. Après des débuts comme assistant pour un petit caïd de la bourse, Mark Hanna (Matthew McConaughey), un homme charismatique et un peu fêlé qui aura une influence notable sur lui, Jordan évolue avant de revenir à la case départ suite à l’effondrement d’un marché.

Refusant de s’éloigner du monde de la bourse, il trouve un nouveau travail dans une petite boîte spécialisée dans le hors cote, soit des actions bas de gamme qui ne permettent quasiment jamais aux clients de gagner de l’argent mais sur lesquelles il est possible de se faire d’énormes commissions. C’est ainsi que le jeune loup devient un arnaqueur de premier ordre, gagnant assez d’argent pour se permettre de tenter sa chance en montant son propre business. Il entraîne avec lui plusieurs connaissances et surtout l’un de ses voisins avide de richesse et peu regardant sur l’éthique : Donnie Azoff (Jonah Hill). Stratton Oakmont est née.

La passion, l’énergie et la force de conviction de Belfort et ses hommes hissent peu à peu l’entreprise au sommet. Le rêve devient réalité : ils atterrissent à Wall Street, où tout le monde se met à parler d’eux, où Forbes consacre un article au grand chef, puis font entrer en bourse leur première entreprise de qualité. L’argent coule à flot, c’est la décadence dans les bureaux où il ne semble plus y avoir la moindre limite. Jordan devient millionnaire, quitte son épouse fidèle qui l’a toujours épaulé pour se remarier avec une blonde aux faux airs de Barbie, prend constamment de la coke pour se stimuler et ne rate aucune occasion de se défoncer.

L’audace de Stratton Oakmont et l’excentricité assumée de son boss commencent à faire jaser et inquiéter. Le FBI se met à enquêter. Le petit empire du self made man est alors subitement menacé…

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Inspiré de l’histoire vraie de Jordan Belfort et de son propre livre, Le loup de Wall Street est sans aucun doute l’un des films les plus barrés de la filmographie de Martin Scorsese. On pense forcément au Wall Street de Oliver Stone (cité subtilement au détour d’une réplique) même si la forme est très différente. Le film nous fait parfaitement ressentir l’excitation du personnage principal qui en veut toujours plus, vivant constamment dans l’excès et la décadence, perdant rapidement le sens des réalités. Affichant une durée de 3h, le long-métrage est un véritable trip, défilant à toute vitesse. Les personnages vivent dans une sorte de bulle, se consacrant corps et âme à un métier leur permettant de s’enrichir de jour en jour, souvent en manipulant ou ruinant les autres, pas assez futés pour résister à leur diabolique argumentaire.

L’un des temps forts de la carrière de Jordan Belfort est sans aucun doute sa rencontre avec Mark Hanna. Encore jeune et doté d’un minimum de valeurs, il se retrouve face à un homme excessif, drogué, un peu fou, monstrueux. Ce qui aurait pu être un avertissement, un exemple à ne pas suivre, va pourtant devenir un modèle pour s’assurer de poursuivre un rêve capitaliste. En apparence, Jordan Belfort va devenir une véritable légende. Plein aux as, il pourra s’autoriser toutes les fantaisies et caprices, se déplaçant en hélicoptère, offrant à sa deuxième femme un énorme yacht à son nom, organisant des fêtes où l’alcool coule à flot et où la drogue et les prostituées sont légion. Ce qu’il refuse de voir, c’est le vide qui l’entoure. Complètement drogué et dépendant, il est incapable de tenir une journée sans se défoncer. Mis à part l’exciter et être agréable à regarder, sa femme ne lui apporte aucun soutien, le confortant dans son comportement misogyne à souhait. D’un point de vue matériel, le businessman a tout mais spirituellement et humainement c’est le chaos. Pour se voiler la face et tromper l’ennui, il flambe, fait la fête, organise des jeux de plus en plus insensés au bureau, multiplie les ébats avec des escorts ou dominatrices.

Doté d’un personnage principal pathétique et sur le papier très antipathique, Le loup de Wall Street parvient à rendre ce dernier attachant et amusant en jouant la carte de la comédie barrée. Jordan Belfort s’illustre dans une multitude de situations improbables et décadentes qui font à la fois rire en même temps qu’elles atterrent. Le film carbure à son énergie et sa folie. Alors que le temps défile, on a nous aussi l’impression de nous envoler, de nous retrouver dans un autre monde, luxueux et vertigineux. Sauf que contrairement à Belfort on en voit les limites, la laideur.

C’est le portrait d’un homme incapable de s’arrêter, pour qui la réussite et l’argent sont des addictions parmi tant d’autres. Tout le monde a un jour rêvé d’être riche, de mener « la grande vie ». Pour y arriver, Jordan Belfort et ses collègues sont devenus des loups égoïstes, dévorant les faibles sans aucun scrupule, noyant une éventuelle culpabilité dans la surconsommation. Leonardo DiCaprio livre ici l’une de ses interprétations les plus délirantes, au cœur d’une œuvre réjouissante et souvent surréaliste. Jouissif, donnant l’impression de s’être fait une ligne de cocaïne, avec la descente qui va avec, Le loup de Wall Street est un film bluffant et monstrueux.

Film sorti en 2013 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3