FICTIONS LGBT

LE NAGEUR (The swimmer) de Adam Kalderon : compétition et garçons

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Avec Le Nageur, le réalisateur israélien Adam Kalderon raconte la dureté de la compétition sportive et l’homophobie plus ou moins latente que peuvent rencontrer certains jeunes athlètes. Il s’inspire de sa propre histoire pour ce long-métrage sensible et débordant d’homo-érotisme. 

Erez (Omer Perelman Striks) débarque dans un internat de sportifs d’élite pour un stage de 3 mois. Tous les jeunes athlètes autour de lui visent le même objectif : être celui sélectionné pour représenter Israël aux prochains Jeux Olympiques. La compétition sera rude mais cela n’effraie pas Erez, véritable compétiteur dans l’âme et qui confesse que s’il nage (alors qu’il n’aime pourtant pas l’eau !) c’est pour le plaisir d’avoir la sensation de gagner. 

Dans un premier temps, le nageur de haut niveau et déterminé, se fond bien dans le groupe, réalise d’excellentes performances et se destine même à devenir le favori d’un coach pas franchement tendre venu de Turquie, Dima (Igal Reznik). 

le nageur film

D’emblée, Erez se prend de sympathie pour un de ses adversaires : le beau Nevo (Asaf Jonas) venu tout droit du Royaume-Uni. Plus les jours passent et plus les deux nageurs se rapprochent. Une amitié légèrement teintée de désir qui inquiète le coach de l’internat. Voyant déjà d’un mauvais oeil le fait que deux concurrents puissent se lier d’amitié et ne pas rester totalement concentrés sur la compétition, l’idée qu’un de ses poulains puisse être gay lui est insupportable. Il menace ainsi Erez de parler de ses possibles inclinations à la direction de l’internat et à ses parents s’il ne file pas droit. Dès lors, le calvaire commence pour le jeune homme. Dima va passer son temps à être sur son dos et à le dénigrer et va essayer de faire de Nevo son nouveau chouchou. Il présente à ce dernier une belle sportive des environs… 

Par petites touches, le réalisateur nous fait ressentir l’homophobie latente qui peut régner dans des milieux sportifs essentiellement masculins. Le virilisme est érigé en norme, le coach critique la façon qu’Erez a de se positionner avant de plonger (on lui demande de resserrer les jambes pour « ne pas avoir l’air d’un danseur »), le terme même d’homosexualité est tu tant il semble être inacceptable. Suite à un concours de circonstances (et une trahison assez cruelle de sa part), Erez va progressivement se retrouver mis à l’écart du groupe et découvrir l’enfer de la compétition quand on devient le marginal de la bande. Un coup dur pour lui qui vit pour la natation et le rêve d’être sélectionné pour les JO depuis l’enfance. La pression est réelle, d’autant plus que son père compte sur lui pour prendre une revanche personnelle (ce dernier était lui aussi nageur et avait stoppé sa carrière en rencontrant la mère d’Erez, elle aussi nageuse… une fois qu’elle était tombée enceinte les rêves de compétition n’avaient plus lieu d’être). 

Face à l’isolement, Erez va petit à petit s’affirmer notamment par son style. Il se balade dans un jogging rose, a des maillots et des tenues flashy, finit par se décolorer en blond peroxydé. La couleur rose, comme un symbole, revient beaucoup à travers le métrage (le fameux jogging, le maillot de bain, le sac, mais aussi dans des détails comme des céréales). 

Est-il réellement possible de s’affirmer, d’être qui l’on veut être dans un milieu aussi exigeant et fermé ? Evidemment la réponse est non. 

le nageur film

Outre la thématique de l’homosexualité, Le Nageur raconte l’extrême dureté de ce type de championnat. Un entraînement quasi-militaire, l’interdiction de se plaindre, crier après une défaite et d’accepter tout signe de faiblesse. Les compétiteurs sont poussés dans leurs retranchements à travers une succession d’épreuves éprouvantes. Pour être l’élu, le champion, il faut être une machine sans grande humanité. 

Au coeur de cet univers impitoyable et très masculin, on retrouve deux beaux personnages féminins. L’assistante du coach, Yael (Aviv Karmi, qui était déjà excellente dans la mini-série Miguel), moins de pot de vache qu’elle n’en a l’air, tentant de trouver sa place dans un microcosme qui masque à peine sa misogynie. Et la haute en couleurs Paloma (Nadia Kucher), censée encadrer les nageurs au quotidien. Une vieille gloire de la natation qui a échoué là et qui a un regard amer sur ce milieu qu’elle juge hautement propice à la dépression. C’est de sa bouche que sort une réplique qui résume bien la situation : « Les sports de compétition sont un drame pour le corps et l’âme ». 

L’obsession de la compétition a vite fait d’amener les athlètes à péter les plombs et a révélé la pire facette d’eux-mêmes. 

le nageur film

Si dit comme ça le film peut paraître très dur et sombre, il contrebalance ses sujets douloureux par une mise en scène très colorée et une atmosphère pop et homo-érotique. Le monde de la natation est forcément un bon prétexte pour s’attarder sur une multitude de jeunes corps divins. Le regard du cinéaste est gourmand et sa caméra s’attarde sur les torses, les maillots de bain, les peaux, sans oublier plusieurs scènes dans les vestiaires. A plusieurs reprises, on est surpris par des scènes assez coquines, qui lorgnent vers un fétichisme assez décomplexé. 

Combinant drame intimiste et sensible et bonbon pour les yeux (la couleur est annoncée d’emblée avec un générique original sur fond de rasage), Le Nageur, atmosphérique et sensuel, se suit sans temps mort jusqu’à un final étonnant, libérateur et jouissif. 

Film produit en 2021 et disponible en DVD aux éditions Outplay et en VOD sur OutplayVOD 

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Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3