FICTIONS LGBT

LE PERE D’ITALIA de Fabio Mollo : à la croisée des chemins

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Sorti discrètement en France, « Le Père d’Italia » (Il padre d’Italia) est pourtant l’un des plus beaux et attachants films à thématique gay qui aura déferlé sur les écrans cette année. Le réalisateur Fabio Mollo délivre une oeuvre pleine d’humanité et de fêlures retenues qui nous attrape par surprise pour ne plus nous lâcher.

A Turin, Paolo (Luca Marinelli, sublime), jeune trentenaire travaillant dans un magasin, se perd au coeur de la nuit. Il est en train de se séparer de Mario, l’homme qu’il aime et qui ne veut plus entendre parler de lui. Au coeur d’une backroom gay, il se retrouve face à Mia (Isabella Ragonese), une femme de son âge, enceinte. Sous substance, cette inconnue que l’on devine « fucked up » s’effondre. Il la conduit à l’hôpital et essaie de l’aider. D’abord un brin sauvage, cette fille qui ne tient pas en place va peu à peu s’ouvrir à ce gentil inconnu soucieux de lui éviter le pire à elle et son futur bébé. C’est que Mia est à la rue, sans job ni toit ou dormir.

Le temps de quelques jours ou quelques semaines, les deux âmes perdues vont entamer une sorte de road trip les ramenant à leurs racines. L’occasion de faire le point, de réfléchir à la notion de parentalité et peut-être qui sait de prendre un nouveau départ.

le pere d'italia fabio mollo

La vulnérabilité et le caractère à vif des deux personnages principaux fait instantanément mouche. Submergés par un profond mal de vivre, Paolo et Mia ont une façon très différente de l’exprimer. Paolo fait ce qu’il sait faire de mieux : il reste silencieux, dans sa bulle, fait profil bas, retenant ce qui ne va pas. Mia, elle, fait tout l’inverse, se mettant en péril, explosant à la première occasion en toute inconscience. Faussement opposés, ces deux êtres sensibles vont rapidement s’attirer et tisser une amitié qui ne manquera pas de les bouleverser. Et nous aussi par la même occasion. A travers ce couple impossible très cinématographique, amusant et bourré de tendresse, se dessinent les portraits de deux marginaux malgré eux.

Si Isabelle Ragonese est excellente en future mère à la dérive, pleine de contrastes, mélange de douceur et d’autodestruction un peu flippante, on retient surtout du film le magnifique personnage composé par le très beau Luca Marinelli. Se comportant encore comme un enfant traumatisé, il va petit à petit se découvrir responsable. C’est l’un de ces miracles de la vie : une rencontre peut tout faire basculer. Quelqu’un vous tombe dessus et vous fait réaliser des choses, voir la vie différemment.

Entre instants de vie cocasses, fuite en avant et fantômes douloureux, le film avance avec une infinie sensibilité et délicatesse. Paolo est l’un de ses personnages qu’on a envie d’étreindre jusqu’à la déraison. Jusqu’à un final émouvant qui évoque la question de l’homoparentalité, ce long-métrage tout simple et généreux met du baume au coeur, transpirant un énorme amour pour ses personnages peu importe leurs failles et leurs travers. On en ressort chamboulé, ému et heureux aussi.

Film sorti le 15 août 2018

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3