FICTIONS LGBT

LE PRIX DE L’INNOCENCE (Aleksandr’s Price) de Pau Maso : ténèbres

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Aleksander (Pau Maso) quitte la Russie en compagnie de sa mère et de sa sœur pour partir à la recherche de son père qui l’a abandonné à sa naissance et qui vit désormais à New York. Alors que la petite famille se révèle incapable de le retrouver, la maman se suicide et la sœur disparait sans laisser le moindre mot. Aleksander se retrouve alors seul, sans logement ni argent.

Il demande de l’aide à sa seule amie qui lui donne le numéro d’un homme qui devrait, selon ses dires, pouvoir l’aider. Ce dernier, en voyant le jeune homme, lui propose de danser en slip dans un club gay. Il accepte. Plus tard, un soir, le beau russe se fait draguer par un homme plus âgé qui l’emmène dans un hôtel. Aleksander se fait dépuceler, non sans plaisir, mais reste sans voix quand son partenaire, qui se révèle être hétéro et en couple, lui donne une enveloppe avec 500 dollars à l’intérieur !

Blessé, il accepte tout de même l’argent et revoit celui auquel il s’est attaché pour plusieurs rendez-vous tarifés. C’est le début d’une descente aux enfers : dès lors, ce garçon de l’Est, perdu, va se prostituer. Chaque nouvelle rencontre, tarifée ou non, aboutira à un abus. Aleksander se laisse dériver et perd peu à peu la raison, souffrant de troubles de l’identité, prenant un curieux plaisir à se laisser entraîner vers de nouvelles humiliations…

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Pau Maso, acteur au physique de coverboy russe, joue le rôle principal dans Le prix de l’innocence (Aleksandr’s Price en VO), film dont il est également le réalisateur, le scénariste et le monteur et qu’il a financé avec sa propre compagnie. Un projet que l’on devine donc très personnel et qui lui a demandé un investissement de plus de deux ans. Hélas, dès les premières minutes, la subtilité n’est pas au rendez-vous. Nous découvrons le personnage d’Aleksander en consultation dans un centre, dépité, racontant son histoire tragique. Explications psychologiques clichées, pathos, approximation du jeu des acteurs : les premières scènes s’enchaînent, parasitées par une certaine lourdeur, des maladresses que ne parvient pas toujours à rattraper une mise en scène tour à tour joliment clipesque, sensorielle.

Ce long-métrage réalisé avec peu de moyens mais qui visuellement ne manque pas de cachet souffre de véritables problèmes de construction, d’écriture. Les dialogues sont souvent simplistes, le spectateur devine à l’avance ce qui va arriver 5 minutes plus tard. Cette descente aux enfers que tente de retranscrire physiquement le réalisateur se révèle de plus un peu trop répétitive voire systématique. Enfin, alors que la force des images, aptes à donner le tournis et déranger, auraient pu suffire, les effets grossiers empêchent parfois l’empathie (on passe souvent sans transition d’une musique de mélodrame insistante à une mélodie kitsch digne d’un téléfilm érotique).

Avouons-le : si l’on tient jusqu’au bout de cette fiction, c’est avant tout pour les beaux yeux de Pau Maso. Toutefois, aussi sexy puisse-t-il être, son jeu très appuyé n’est pas toujours du meilleur effet. Il est regrettable que le film ne parvienne pas à éviter les lourdeurs et les clichés, qu’il ne laisse jamais de place pour faire entrer un peu de lumière, semblant curieusement se plaire à esthétiser, érotiser, les tourments de son personnage. Car en filigrane se dessine un portrait assez intrigant d’un garçon voulant constamment se faire passer pour une victime, un naïf, alors qu’il provoque de plus en plus les horribles situations qui le mettent en péril. Ou comment, à force d’être abusé par les autres, de n’être considéré que comme un corps dont l’on dispose, on finit par se laisser faire, par prendre du plaisir dans un élan d’autodestruction. Un personnage ambivalent, ambigu, au coeur d’une atmosphère malsaine : il y avait tout pour passionner sur le papier. Malheureusement, si l’intrigue tient bien en haleine, elle peine à bouleverser à cause de ses nombreuses fautes de goût.

Film produit en 2013 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3