CINEMA

LES ENCHAÎNÉS de Alfred Hitchcock : passion et espionnage

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Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, à Miami, un espion allemand est condamné à vingt ans de prison. Sa fille, Alicia (Ingrid Bergman), est alors l’objet de toutes les attentions. Refusant de s’adresser aux journalistes, elle s’oublie lors de soirées alcoolisées. Un soir, elle y rencontre Devlin (Cary Grant), un homme séduisant qui se révèlera être un agent américain. D’abord blasée, méfiante, Alicia finit par baisser la garde alors que s’instaure une romance passionnée avec le séduisant gentleman.

Mais ce dernier n’était pas venu à sa rencontre pour rien : les services secrets voudraient qu’Alicia infiltre une bande d’anciens nazis préparant un sale coup à Rio de Janeiro. Pour cela, elle devra se rapprocher d’une vieille connaissance, un ami de son père qui jadis avait le béguin pour elle : Alexander Sebastian. Contrairement à son géniteur, la belle a toujours aimé les Etats-Unis et ne dirait pas non au fait de tenter cette mission. Mais cela inclurait de tromper Devlin.

Alors que ce dernier ne la retient pas comme elle aurait pu l’espérer, Alicia commence son « travail ». Sebastian tombe dans le panneau et va même jusqu’à la demander en mariage. L’espionne particulière accepte. Alors qu’elle et Devlin approchent de la résolution de l’enquête, la tension règne. Alicia se demande si Devlin l’aime vraiment et Sebastian commence à avoir des doutes sur l’intégrité de son épouse. Mêler espionnage et sentiments peut s’avérer être un jeu dangereux…

les enchaînés alfred hitchcock

Magnifique noir et blanc, Ingrid Bergman en « bad girl » enchainant les cuites et traînant une réputation de fille facile ; le sourire charmeur et troublant de Cary Grant, à ses côtés dans une voiture, sur la route de Miami, avec ses palmiers presque menaçants qui défilent…Les enchaînés (Notorious en VO) commence de façon intrigante et se révèle sensuel en diable lors d’une première partie très sentimentale. L’agent américain , élégant, grand et rassurant, touche le cœur de la sulfureuse fille de nazi. Scènes de baisers enivrantes, naissance d’une passion sensorielle entre deux acteurs au sommet, à tomber…

Jusqu’où peut-on aller pour réussir une mission ? Dépeinte au départ comme peu vertueuse, Alicia accepte de jouer à l’espionne qui couche avec l’ennemi pour mieux le faire tomber. Mais la belle aux airs de femme fatale a moins le cœur à la tâche qu’elle n’y paraît. Et pour cause : elle ne pense qu’à Devlin, son prince charmant, certes pas tout à fait sorti de nulle part, mais qui en quelques gestes affectueux et regards tendres lui a donné envie d’emprunter le chemin de la rédemption.

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Nous avons tous plusieurs visages. Alicia est fille d’un espion nazi mais n’en est pas moins une patriote américaine. Elle a été une fille facile, une dépravée, mais ne demande qu’à se « stabiliser » avec l’agent de ses rêves. Devlin, lui, est un homme sentimental mais qui se révèle finalement bien maladroit dans sa façon de le montrer, poussant celle qu’il aime dans ses retranchements, ne cessant jamais de la provoquer, au risque de la blesser et du coup se blesser lui-même. Le méchant Sebastian préparant les plans les plus machiavéliques avec ses compères est dans le privé un homme sans doute trop fleur bleue , se dévouant totalement aux femmes qu’il aime (Alicia ainsi qu’une mère castratrice qui ne semble pas voir le mariage de son fils d’un très bon œil…).

Avec un minimum d’effets, une intrigue élémentaire, de simples objets (une caisse de champagne destinée à être vidée lors d’une soirée mondaine ; une bouteille de vin prête à éclater) , Hitchcock instaure un énorme suspense et fait vibrer le spectateur entre espionnage et amour pendant toute la durée de ce superbe long-métrage qui a souvent des airs de conte de fées (la vilaine belle-mère qui tente d’empoisonner celle qui lui a pris le cœur de son fils ; les dernières scènes avec Cary Grant en prince vaillant sortant de son lit Ingrid Bergman; les portes de la grande demeure qui se referment comme celles de l’enfer…). Les enchaînés est un film touché par la grâce, magique.

Film sorti en 1946. Disponible en DVD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3