FICTIONS LGBT

LES FAUX MONNAYEURS de de Benoît Jacquot : ambiguïté

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Adaptation de l’oeuvre d’André Gide, ce film réalisé pour la télévision par Benoît Jacquot suit une grande galerie de personnages. En toile de fond, les relations fortes et ambigües entre les ainés et les jeunes garçons qui les entourent. Des rapports filiaux, d’admiration, de fascination, de désir retenu et d’interdit aussi.

La contrainte de l’adaptation réside dans la multiplicité des protagonistes, des intrigues et sous-intrigues ainsi qu’un certain refus de la linéarité. Pour ne pas perdre le spectateur, Benoît Jacquot se sert de nombreux panneaux qui situent les actions et les enjeux. C’est un peu troublant au départ mais le dispositif se révèle efficace, nous permettant de naviguer dans ce tourbillon des passions sans trop nous sentir perdus.

Ce qui émerge de cette ronde complexe et sensible, c’est la folie des passions, l’envie de symbiose et la peur de l’abandon, une soif d’absolu et de liberté aussi. Le besoin d’appartenir à quelque chose ou à quelqu’un qui conduit paradoxalement souvent à se rebeller, s’opposer, se mettre en danger. Il y a aussi et surtout ce mystère d’un désir qui dépasse, qui défie la raison et pousse aisément à l’autodestruction.

les faux monnayeurs

Au premier plan, deux hommes écrivains : Edouard (Melvil Poupaud) et Robert de Passavant (Patrick Mille), l’un plus doux l’autre plus manipulateur. Ils partagent la même fascination et attraction pour de jeunes lycéens, des « êtres en formation » à la sensualité innocente et troublante.

L’ensemble fait songer à l’impuissance des hommes face à la beauté éclatante d’une jeunesse fatalement inaccessible transformée en fruit défendu. Rien n’est dit ou explicitement montré mais on comprend facilement les troubles sentimentaux qui habitent les adultes face à des adolescents qui eux aussi espèrent sans oser l’admettre un rapprochement.

les faux monnayeurs

Si le sentiment amoureux et le désir sexuel sont là, l’oeuvre ouvre le champ à l’amour en général porté à ces garçons qui se cherchent, à l’esprit bien fait et déjà torturé : un père qui souffre de la fugue de son fils, un grand-père qui ne se remet pas de ne pas être en contact avec son petit fils.

Riche en ambiguïté, disposant d’une reconstitution soignée qui nous propulse dans le passé, porté par des comédiens subtils : « Les faux monnayeurs » est une belle surprise qui traverse sans mal l’épreuve du temps.

Film produit en 2011. Disponible en DVD et sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3