CINEMA

LOST RIVER de Ryan Gosling : chaos pop

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Detroit. La ville se meurt, la crise foudroie, les maisons sont rasées. Dans un climat apocalyptique, une mère célibataire, Billy (Christina Hendricks) et son fils ainé, Bones (Ilain De Caestecker), tentent de survivre et de garder leur toit. Mais au fil des jours, tout se durcit. Billy n’a pas de quoi payer son loyer et ses dettes, risque l’expulsion définitive et se voit offrir un étrange job par son banquier.

Bones, qui jusqu’alors vivait en récupérant du cuivre ne peut plus rien faire et se retrouve pourchassé par Bully (Matt Smith), jeune homme fêlé et dangereux qui a décidé de semer la terreur sur toute la ville en l’absence des forces de l’ordre. Alors que sa vie est en danger, il se rapproche de Rat (Saoirse Ronan), fille de son âge vivant avec sa grand-mère à moitié folle et paralysée. Ensemble, ils songent à lever la malédiction qui semble s’abattre sur Detroit, à prendre le large, parlent d’une ville mystérieusement engloutie… 

lost river film ryan gosling

Premier long-métrage en tant que réalisateur de Ryan Gosling, Lost River est sans doute l’un des plus beaux films qu’un acteur ait réalisé depuis des années. On pouvait n’y croire qu’à moitié, Gosling multipliant les références auxquelles il est plus ou moins directement mêlé (on pense à Nicolas Winding Refn, Terrence Malick, David Lynch). Le résultat est une excellent surprise, dépassant toutes les attentes. Dès les premières minutes, Lost River nous plonge dans une sorte de ville fantôme ou s’instaure peu à peu le chaos. La crise, la misère, ont tout ravagé, les gens s’échappent ou disparaissent, les maisons sont détruites brutalement, un flippant délinquant commence à faire sa loi en imposant un climat de terreur.

La grande réussite de ce premier essai gonflé tient indiscutablement dans son esthétisme. Lost River déborde de créativité et de poésie, les plans sublimes et inspirés se succèdent, on a l’impression de déambuler dans un film qui se réinvente à chaque scène. L’audace formelle du projet, d’une impressionnante maitrise, ne parasite en rien la narration. Tout est extrêmement bien tenu, renvoie à une multitude d’émotions et de sensations, joue à merveille de l’abstraction tout en déployant une intrigue de conte barré. Il y est question bien sûr de la crise mais aussi du combat d’une mère pour ses enfants, du rapport à la terre, de la naissance d’un amour au coeur du chaos, de la violence du monde.

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Porté par des comédiens géniaux (Christina Hendricks, la sublime Joan de Mad Men, trouve enfin un rôle à sa mesure au cinéma), nous entraînant dans un univers aussi musical, irréel qu’intemporel, générant une bonne dose de sensations fortes, Lost River est physique, atmosphérique, original et sensible. La beauté d’une ville en ruine, la mélancolie et la solitude en sourdine, l’extérieur comme une menace morbide, l’humanité dans ce qu’elle a de plus fort et de plus atroce (les incroyables et exceptionnels passages dans le cabaret entre humour très noir et horreur trash) : ce film fait l’effet d’un poème géant. Une réussite totale en somme.

Film sorti en 2015 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3