FICTIONS LGBT

MARVIN OU LA BELLE ÉDUCATION d’Anne Fontaine : le jeune gay et « la Province »

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Le projet de « Marvin ou la belle éducation » avait fait grand bruit. Et pour cause, ce film était à l’origine présenté comme l’adaptation du roman d’Edouard Louis, « En finir avec Eddy Bellegueule ». Depuis, l’auteur a tenu à prendre ses distances avec ce qu’il ne considère plus comme une adaptation de son livre. A la vision du long-métrage fini, il est évident que la réalisatrice Anne Fontaine a pris des chemins éloignés de l’oeuvre originale mais on pense quand même beaucoup à ce matériau de base.

C’est donc le portrait de Marvin, jeune homme né dans un village paumé des Vosges. Le film fonctionne en deux temps : d’une part il y a la jeunesse du petit Marvin qui doit composer avec un manque évident de perspectives, un père beauf et alcoolique, un village qui oppresse ceux qui ont le malheur d’être différent. De l’autre, la vie de jeune adulte de ce garçon timide qui va tenter sa chance à Paris dans le théâtre et à terme accéder à la notoriété.

marvin ou la belle education

On ne sait pas trop quoi penser de la représentation faite ici du milieu rural. Certes, le genre de beaufs mis en scène dans le film existe. Mais Anne Fontaine a quand même bien forcé le trait et donne l’impression, sans doute involontaire, d’avoir un certain mépris pour les gens qu’elle filme. Ca se complait dans le glauque, le grotesque, le personnage du père est filmé comme un animal. Heureusement, la seconde partie du métrage apporte un peu de tendresse et montre que vivre au fin fond de la Province ne condamne pas à hurler, être ivre mort en permanence en se promenant les burnes à l’air ou à danser sur « Femme like you » de K-Maro (oui, ils ont osé).

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Entre clichés et éclats de vérité, l’ensemble est sur le fil. Il y a du très bon (le petit Jules Porier est très touchant, Catherine Mouchet est superbe en prof délicate, la relation de filiation entre Abel et Marvin est belle, les confrontations avec le père adulte sont assez vibrantes) et du mauvais (la romance avec le personnage de Roland est assez clichée, assez vieillotte dans son traitement – avec une bonne vieille scène de sexe sous la douche mal simulée en mode « sodomie coup de poignard »). Si Finnegan Oldfield et Vincent Macaigne livrent globalement de belles interprétations, on se demande quand même s’il était bien nécessaire de leur faire adopter des gestuelles efféminées pour appuyer le fait qu’ils jouent des gays…

Le résultat est assez curieux, mélange d’émotions et de malaise, de vérité et d’artifices lourdingues. Malgré ses nombreuses maladresses et une forme qui n’est pas à la hauteur d’un scénario intense, « Marvin ou la belle éducation » ne manquera pas de résonner en partie chez tous les garçons qui ont un jour quitté leur trou paumé pour commencer une nouvelle vie en ville.

Film présenté en clôture du Festival Chéries Chéris // Sorti en salles le 22 novembre 2017

 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3