FICTIONS LGBT

MEKONG STORIES de Phan Dhang Di : en marge

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Vietnam, Mekong. Vu est un jeune homme légèrement introverti qui aime observer les gens qui l’entourent et les photographier. En particulier son ami Thang, beau garçon athlétique, charmeur, sûr de lui, qui accumule les conquêtes féminines. Les journées s’enchaînent, dans une relative pauvreté, et la jeunesse tente d’oublier l’ennui en cédant aux excès. Liaisons, alcool, addiction aux jeux : on s’endette pour flamber ou en rêvant d’acquérir une guitare électrique, quitte à devoir de l’argent à des mafieux violents. Certains n’ont rien trouvé de mieux que de faire une vasectomie pour toucher une petite prime locale.

Contrairement à ses camarades, Vu reste plutôt sage et discret. Son addiction à lui, c’est Thang, qui le laisse parfois l’enlacer ou plus mais qui considère leur relation comme fraternelle avant tout. Dans un pays où l’obsession de la descendance est dans tous les esprits, il ne fait pas très bon de se découvrir homosexuel. Ainsi, le père de Vu n’hésite pas à lui mettre la pression quand il devine ses penchants… Doucement mélancolique, le garçon ère, attendant un signe de Thang, le suivant certains soirs dans la boite de nuit où il travaille, ainsi que sa dernière petite amie, Van, une belle danseuse qui se livre sous le regard des spectateurs envieux à des danses lascives. Portrait d’une jeunesse qui s’égare… 

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Très belle surprise que Mekong Stories qui nous plonge dans un Vietnam à la nature ensorcelante et aux rues chaudes, vivantes et possiblement violentes. Le réalisateur Phan Dang Di dépeint avec sensibilité et sensualité une jeunesse vietnamienne qui ne sait pas trop où aller, rêveuse, en quête de sensations fortes. Pour se sentir vivant, exister, exulter, elle n’hésite ainsi pas à foncer droit dans le mur, sans réfléchir. Le film est plastiquement envoûtant, le montage troublant, déployant une narration un poil alambiquée qui colle parfaitement à la sensation d’errance qui habite les jeunes protagonistes.

La tradition voudrait que les garçons et les filles se rangent, fondent une famille mais les jeunes ont ici envie de sortir du cadre, de s’évader. Cela passe par la musique (qui berce magnifiquement tout le métrage),  les soirées en bande avec les copains à rigoler, par les nuits en boite de nuit, la danse, la drague… Loin des normes, les personnages de Mekong Stories apparaissent comme des marginaux charnels et affranchis, ayant soif de liberté mais se sentant un peu à l’écart face au manque de possibilités qui se présente à eux.

Au coeur de l’intrigue, le triangle formé par Vu, Van et Thang. Vu et Thang n’évoquent jamais clairement la nature de leur relation. Ils sont fusionnels, tactiles, sexuels aussi parfois mais pas question pour Thang le tombeur de penser à l’homosexualité. Sa copine Van, pas dupe, voit ce qui se passe et laisse faire… On prend l’affection et les caresses là où elles sont, sans trop en demander. Dépaysant et tendre, ce long-métrage a une façon très belle de sonder les liens familiaux, amicaux, sentimentaux et charnels. Le scénario fonctionne par petites touches délicates, déployant une misère sociale et affective qui ne semble pouvoir s’exprimer qu’en sourdine. Le résultat est intrigant, d’une imparable mélancolie.

Film sorti en 2016 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3