CINEMA

MEKTOUB MY LOVE – CANTO UNO d’Abdellatif Kéchiche : un été hypnotique

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Abdellatif Kéchiche livre une vraie et grande proposition de cinéma avec « Mektoub my love – Canto Uno ». Si la presse a complètement encensé ce nouveau long-métrage, on se doit quand même de préciser qu’il n’est clairement pas pour tout le monde. Et pour cause, le réalisateur repousse ses propres limites en délivrant une oeuvre de quasiment 3 heures sans réelle intrigue. Autant dire que si vous aimez les choses assez ordinaires, structurées et efficaces vous risquez de passer un sale moment. Mais si vous aimez le cinéma de Kéchiche et que vous n’avez pas peur de vous laisser plonger au coeur d’un film en forme d’expérience : allez-y, dans le genre c’est quasiment un petit chef d’oeuvre !

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L’action se situe sous le soleil de Sète où le très beau Amin (Shaïn Boumedine, la révélation bombasse du film que vous aurez largement l’occasion de contempler torse nu) revient pour ses vacances. Il a grandi là puis a commencé à tenter sa chance, encore sans succès, en tant que scénariste à Paris.

Dès la première scène, Kechiche nous balance une scène d’intimité brûlante. Amin vient traîner du côté de chez Ophélie (Ophélie Bau) dont on comprendra petit à petit qu’il est amoureux en secret. Ophélie est en couple depuis de longues années avec un garçon du coin mais qui n’est jamais là. Amin la surprend en train de tromper celui-ci avec son cousin, l’extraverti et très dragueur Tony (Salim Kechiouche). Il les épie par la fenêtre depuis l’extérieur et ne rate pas une miette (et nous non plus) de leurs ébats. Pour ceux qui sont sous le charme depuis longtemps de Salim Kechiouche, cette ouverture est un sacré cadeau pour les yeux même si l’on constate assez vite que le cinéaste est complètement absorbé par sa nouvelle muse féminine aux formes divinement plantureuses.

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La suite ? Une succession de journées à la plage où les rencontres, heureuses ou plus malheureuses se font et se défont. Amin et Tony abordent deux belles touristes, Céline (Lou Luttiau) et Charlotte (Alexia Chardard). Amin, extrêmement timide et contemplatif, n’avance guère avec la première tandis que Tony emballe la seconde en quelques minutes seulement. Le cadre est posé : celui de deux cousins proches mais contraires en terme de personnalités. Le premier reste, malgré sa beauté éclatante, toujours spectateur, en retrait, alors que l’autre emballe à tout va avec ses sornettes de beau parleur.

Ce qui se passe à l’écran est assez fou : c’est un enchainement de longues séquences où ça parle, danse, mange ou s’enlace dans tous les sens. Des moments de vie, sublimés par une mise en scène incroyablement charnelle, qui petit à petit forment des enjeux. Plus on avance, plus on a l’impression de vivre avec les protagonistes, d’apprendre à les connaître avec leur beauté et leurs failles. Kechiche réussit le drôle d’exploit de nous donner l’impression de passer deux mois de vacances avec toute une bande de gens jeunes et jolis. Et filme le désir, l’amour contenu, le jeu des regards et le langage des corps.

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Définitivement exigeant (on sent quand même bien les trois heures passer), l’oeuvre se révèle hypnotique, nous plongeant dans un état de transe cinématographique alors qu’on se laisse passionner par des gens qui parlent de tout et n’importe quoi ou dansent au beau milieu d’un café.

« Mektoub my love » propose une réelle évasion, entre la plage, un restaurant, un club, une ferme. La dernière partie laisse sans voix alors que l’on se retrouve pendant une demi-heure à contempler des filles ondulant du derrière en s’appuyant sur la barre d’une  discothèque. On ne comprend pas comment c’est possible mais on est fasciné. Toute la force et tout l’art d’un grand metteur en scène. Dans le rôle principal féminin, Ophélie Bau est explosive et son corps, que l’on soit hétéro ou gay, homme ou femme, devient une obsession de cinéma. Face à elle, le timide Amin évolue discrètement et irradie de son charme discret en figure romantique des plus craquantes.

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Par fragments, cet objet cinématographique singulier ravive tout un tas d’émotions enfouies, convoque des sensations universelles et nous emporte au coeur d’un été nostalgique blindé de beaux et belles gosses entre futilités et blessures intimes sourdes. Certitude : « Mektoub my love » ne s’oublie pas.

Film sorti le  21 mars 2018

 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3