CINEMA

MEMORY LANE de Mikhaël Hers : l’été qui hante

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Premier long-métrage du brillant Mikhaël Hers, Memory Lane pose les bases de son cinéma pop, plein de coeur, sensible.

Hauts de Seine, Banlieue Sud-Ouest de Paris. Vincent (Thibault Vincon) se souvient de l’été dernier. Lui et ses amis avaient 25 ans. Tout le monde était là, avec ou sans raisons.

Retour en août : marcher, profiter du soleil, se baigner, pique-niquer, faire la fête…Tout est à la fois beau et terrible, car plane cette sensation que cet été entre amis sera peut-être le dernier passé ensemble.

Vincent reste dans sa banlieue, toute l’année, comme s’il était incapable de quitter la terre de son enfance. Il se rapproche doucement de Christelle (Dounia Sichov) qui tente de joindre les deux bouts entre son boulot à la Fnac et ses sondages. Muriel (Lolita Chammah) et sa sœur Céline (Stéphanie Déhel) sont de retour dans le coin car leur père a une tumeur et va bientôt mourir. Pendant ce temps, Cédric (Louis-Ronan Choisy) se prépare à avoir un enfant et Raphaël (Thomas Blanchard) parait plus bizarre que d’habitude…

Quelques semaines pour savourer le plaisir d’être en groupe, d’écouter, se raconter, vivre.

memory lane film mikhaël hers

Ce premier film n’est pas exempt de maladresses, notamment quand il aborde des sujets sensibles (la maladie, la mort) ou qu’il passe de la nostalgie à une relative mièvrerie. Mais on s’en voudrait presque de reprocher ces détails à un film témoignant d’une si grande sincérité. Une sincérité provoquant (surtout chez la jeune génération qui pourra se retrouver dans les personnages) de fortes émotions, comme sorties de nulle part. Il y a dès le départ une atmosphère singulière, presque magique. Comme si les Hauts de Seine étaient hantés, que sur les branches des arbres on pouvait trouver des confidences, des secrets.

Qu’est-ce que l’été ? Est-ce que ça existe ? La question peut paraître un peu bête mais elle est bien plus subtile qu’on ne pourrait le penser. Qui n’a jamais éprouvé cette étrange sensation alors que la chaleur nous enveloppe, que les vacances transforment nos journées, que les amis reviennent dans les parages ? Un sentiment de latence, de bien-être, malgré tout.  Pas besoin de se lancer dans des discussions intellos, on vit juste ces moments précieux comme ils viennent, parfois en restant silencieux, observateur. Memory Lane parle de cette sensation de plénitude qu’apporte le groupe, le délice fugace de se dire, se rendre compte qu’à un moment on n’est plus seul face au monde qui nous entoure. C’est un film de sensations tout court, magnifiquement abstrait. C’est la gêne alors que l’on marche à côté d’une petite fille curieuse, c’est la surprise ou la joie de recroiser des gens et des lieux du passé, c’est l’ambiance d’une balade la nuit, seul ou accompagné.

Par petites touches, le réalisateur fait discrètement passer de grandes choses, livre un regard à la fois tendre et apeuré sur la société d’aujourd’hui. La violence est ainsi souvent en arrière-plan (un vol, une poursuite, une personne étrange dans la rue…) tandis que la présence de l’autre permet souvent de se délivrer de ses chaines. L’été serait comme la vie une fois qu’on est conscient qu’une mort va arriver. On se dit que ça a été beau, trop court, on se prépare à se laisser hanter.

Mise en scène poétique, bande-originale propice à la nostalgie voire la mélancolie (essentiellement signée Tahiti Boy) : Memory Lane est un très joli film, sensible et pop. Comme une belle chanson, il raconte des choses pas forcément originales mais qui trouvent un écho en nous. Il rassemble les musiques individuelles de chacun autour de moments à priori anodins mais qui se révèlent souvent plus tard (ou trop tard) essentiels.

Film sorti en 2010. Disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3