FICTIONS LGBT

MIL NUBES de Julián Hernandez : obsession d’amour

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Mexico. Gerardo, 17 ans, erre dans les rues, comme une âme en peine. Il a connu l’amour avec un homme plus âgé, Bruno, qui a disparu du jour au lendemain, lui laissant seulement un petit mot, lui expliquant qu’il l’aimait mais avait peur de le blesser. Inconsolable, Gerardo tente de le retrouver puis de l’oublier. Passant tout son temps libre à marcher dehors, de jour comme de nuit, il croise de multiples inconnus qui comme lui cherchent à panser les plaies d’un amour perdu, à trouver leur place dans le monde, rêvant d’une romance au goût d’absolu, entre espoir et désespoir…

mil nubes julian hernandez

Mil nubes de paz cercan el cielo, amor, jamas acabaras de ser amor est l’un des premiers longs-métrages du réalisateur mexicain Julian Hernandez. On y retrouve toutes ses obsessions, entre amour perdu et folle sensualité, une mise en scène époustouflante, des personnages fantomatiques… Le film n’est clairement pas tout public, jouant beaucoup du silence, de l’abstraction, misant tout sur l’esthétique, le sensoriel. On a l’impression d’être face à un poème en images. Gerardo, jeune héros insondable, traîne sa tristesse au milieu d’un Mexico montré comme en ruines. Le réalisateur le filme sous toutes les coutures, érigeant son visage triste en œuvre d’art. Il espère retrouver son amant perdu, puis tente de s’oublier dans les bras d’inconnus croisés au hasard (à noter que la majorité tiennent à lui donner de l’argent, sans qu’il ne demande rien). Les étreintes sont violentes et/ou sensuelles, l’érotisme se mêle à la mélancolie, les rencontres fortuites donnent lieu à des moments profonds ou dangereux. Outre les hommes tentateurs, Gerardo croise le chemin de femmes seules. L’une s’apprête à élever elle-même un enfant qu’elle porte mais dont elle cache l’existence, l’autre est une femme plus âgée, amère mais continuant de vouloir croire à l’amour. L’amour est la chose qui blesse le plus, certains peuvent même en mourir. Mais c’est aussi la plus belle des choses, celle qui amène à se sentir vivant. La recherche du sentiment amoureux, d’une figure sur laquelle se projeter, relève ici de l’obsession.

mil nubes julian hernandez

A l’écran se succèdent des personnages qui ressemblent tous à des âmes égarées. Le cœur brisé, Gerardo ne peut rien donner de plus que sa brève compagnie ou son corps aux beaux mâles qui l’approchent. Au risque de devenir à son tour un bourreau, une source de déception, de douleur. Et l’amour de ressembler à un jeu cruel où tout le monde se fait souffrir, où chacun rêve d’un ailleurs, se retrouvant face à une voie sans issue. C’est extrêmement romantique, avec des dialogues rares mais intenses, profonds. Un peu irréel aussi. Petit à petit, Julian Hernandez nous entraîne complètement ailleurs, dans son univers au sublime noir et blanc, où les mouvements gracieux de caméra nous donnent le vertige. C’est intemporel, flou, beau et triste. Face au mystère de la vie, à ses épreuves, aux douleurs du cœur, il ne reste plus qu’à se tourner vers le ciel.

La nuit est ensorcelante, les visages pleins de promesses ou de menaces, la musique un délicieux exutoire, les autres une source de réconfort ou de peine. Il émane de ce film très plastique un mystère enivrant…

Film produit en 2003

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3