CINEMA

MON ROI de Maïwenn : amour toxique

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Tony (Emmanuelle Bercot) est enfermée dans un centre de rééducation suite à une grave chute de ski qu’elle semble avoir préméditée. Alors qu’elle se remet peu à peu, elle se remémore ce qui l’a amené là : sa relation passionnée et destructrice avec Georgio (Vincent Cassel).

Pour cette avocate sensible et un brin introvertie, Georgio a été une véritable tornade. Businessman aux affaires un peu louches, ultra charismatique, très sexuel, il a définitivement chamboulé son quotidien. Après les premiers mois d’amour fou, de bonheur et de rires, tout s’est subitement mis à dégringoler quand Tony est tombée enceinte et que Georgio a décidé de s’occuper d’Agnès, une ex qu’il avait délaissée pour elle et devenue suicidaire.

Subissant une véritable guerre des nerfs, Tony s’est laissée entraînée dans des montagnes russes émotionnelles. Portrait d’une amoureuse à vif, sous l’emprise de son « roi » aux allures de pervers narcissique… 

Maïwenn a toujours divisé en tant que réalisatrice et ce n’est pas avec Mon roi que cela va changer. Une fois encore, elle opte pour une approche très frontale et pousse ses acteurs dans leurs retranchements pour une proposition à vif et très physique. Si cela pouvait laisser perplexe avec les thématiques abordées dans Pardonnez-moi ou Polisse, force est de constater que son côté « rentre-dedans » fonctionne à merveille dans ce film-ci, récit d’une passion qui tourne mal. La mise en scène est forte, succession d’étapes clés d’une relation (le début, les premiers moments d’amour fou, le mariage, le bébé, le délitement, la colère, la rupture, les retrouvailles, la rechute…), véritables tableaux débordant d’énergie, d’émotions, de fureur.

L’ensemble déclenche une multitude de sensations physiques, appuie là où ça fait mal, nous plonge en apnée dans le coeur d’une passion du point de vue d’une femme dépassée par les réactions psychologiquement violentes d’un compagnon qui déborde en permanence (un trop plein d’amour un coup puis une absence et un je m’en foutisme insupportables ensuite). L’écriture est excellente, avec notamment des dialogues incisifs et souvent chargés en humour malgré le drame qui se déploie. Et les comédiens sont tous au top.

Le parti pris de raconter l’histoire essentiellement du point de vue de Tony, la « victime », permet au spectateur de ressentir ses doutes et de se demander jusqu’où il aurait pu aller à sa place. On comprend l’extrême douleur d’être à la fois amoureux, dépendant à un homme charismatique et touchant, et de réaliser à un moment donné qu’il finit par faire plus de mal que de bien. Georgio se rend-il compte des souffrances qu’il inflige, de la tenue malsaine des situations étouffantes dans lesquelles il plonge sa compagne ? Ou ne sait-il tout simplement pas comment aimer sans passer par l’addiction, l’excès et la destruction ?

Bien que Maiwenn prenne clairement la défense de son héroïne et accable souvent celui qui peut passer pour « le roi des conn*rds », elle montre aussi à quel point ce dernier est un homme dépassé, malade, inconscient des dégâts qu’il provoque, passant de la mise à nu bouleversante à la cruauté.

Le film ne manquera pas de trouver un écho auprès de nombreuses personnes qui un jour ont croisé la route d’un partenaire séduisant au fonctionnement flou et vénéneux. Maiwenn se donne en tout cas ici sans retenue, livrant sa proposition de cinéma la plus forte à ce jour, troublante à souhait et percutante.

Film sorti en 2015 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3