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NOBODY’S WATCHING de Julia Solomonoff : un comédien se cherche à New York

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Il y a des films qui nous font tomber amoureux d’un acteur. « Nobody’s watching » est de ceux-là. Le superbe Guillermo Pfening y campe le rôle de Nico, un comédien argentin trentenaire exilé à New York. Il n’y a encore pas si longtemps, Nico était une petite star dans son pays pour avoir participé à un soap opera, « Rivales ». Mais les choses se sont gâtées sur le tournage, notamment avec Martin (Rafael Ferro), producteur avec lequel l’acteur entretenait une liaison compliquée. Parti sur un coup de tête avec en vue un projet de long-métrage indé à New York, Nico attend que le tournage de ce projet commence. Mais celui-ci est sans cesse repoussé…

La réalisatrice Julia Solomonoff nous montre à la fois la difficulté d’un homme étranger qui cherche sa place à New York mais aussi et surtout la galère d’un comédien en attente. Aux Etats-Unis, Nico n’est personne et on le lui fait bien sentir. On lui glisse quand même que les latinos sont à la mode en ce moment mais que pour avoir ses chances il doit se décolorer les cheveux, ne plus être blond pour coller aux stéréotypes des personnages… Alors que son principal projet est sur le point de lui passer sous le nez, le comédien est rongé par le doute, se sent extrêmement vulnérable et se demande s’il va pouvoir continuer comme ça longtemps. Son visa va expirer, son temps est compté. Et comme si tout cela ne suffisait pas, son « ex » toxique Martin essaie de reprendre contact avec lui…

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C’est un film en forme de tranche de vie. On est complètement aux côtés du personnage principal et on suit son quotidien au coeur d’un New York estival. La réalisatrice fait de la ville un personnage à part entière et instaure une atmosphère toute en douceur malgré l’amertume qui guette. C’est comme si on passait tout un été avec Nico, à le suivre enchaîner les petits boulots, les après-midi de baby sitting dans le parc pour rendre service à une copine, à partager les angoisses qu’il tente de canaliser.

C’est un portrait frontal et sensible du métier d’acteur (et par extension d’artiste), de l’attente terrible qui peut arriver quand d’un coup on n’est plus désiré par les gens qui font ce métier, que rien n’aboutit. On peut douter de soi, on subit les injustices au quotidien, l’ego en prend pour son grade. Et les gens « de la vraie vie » vous regarde comme un drôle d’oiseau parce que vous n’avez pas une vie métro-boulot-dodo, que vous ne voulez pas prendre ce boulot permanent « normal » qui voudrait dire que vous allez définitivement tourner le dos aux ambitions et aux rêves de toute votre vie. Nico garde le sourire, l’énergie, mais il y a des moments où cela devient vraiment difficile. Il y a des instants où il a honte même, comme quand un ancien collègue acteur lui rend visite et qu’il fait semblant d’être épanoui et en activité de peur de passer pour ce loser qui a fait un mauvais choix en partant…

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En arrière-plan, l’homosexualité du personnage, son coeur légèrement en miettes. Car comme c’est le cas dans le travail, Nico ne veut pas se conformer et céder à l’appel de la facilité. Il veut aimer, vraiment. Mais il sait qu’il a trop aimé la mauvaise personne…

Variation sur la difficulté de poursuivre ses rêves, de ne pas se renier, « Nobody’s Watching » est une attachante chronique douce-amère au style new yorkais des plus séduisants. Si on se laisse autant cueillir, c’est bien évidemment grâce à Guillermo Pfening qui est très émouvant en plus d’être filmé avec une grande sensualité par sa réalisatrice. On passe le film à vouloir le prendre dans nos bras, à le comprendre, le désirer et on ne veut plus le quitter.

Film sorti en salles 25 avril 2018

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3