CINEMA

NOSFERATU de Friedrich W. Murnau : inoubliable vampire

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Une pure expérience de cinéma. Sorti en 1922, Nosferatu (dont le sous-titre est « une symphonie de la terreur ») est une œuvre intemporelle qui des décennies après sa création continue de hanter bien des spectateurs.

Nosferatu est une adaptation (illégale et déguisée à l’époque, Murnau n’ayant pas assez de budget pour payer des droits) de Dracula de Bram Stoker. Nosferatu c’est donc le nom du terrifiant vampire qui se fait également appeler le Comte Orlok (incarné par Max Schreck). L’histoire est assez simple : Thomas Hutter (Gustav von Wangenheim), qui travaille avec un énigmatique marchand de biens, Knock, accepte de partir en mission pour vendre une maison (celle juste en face de chez lui) au fameux Orlok. Son patron le prévient : il y a beaucoup d’argent à la clé mais il faudra bien des efforts, du sang.

Hutter accepte et part à l’aventure, laissant sa tendre et dévouée femme Ellen (Greta Schröder) chez des proches. Mais le voyage s’annonce bien plus périlleux que prévu. Arrivé au sommet des Carpates, Hutter découvre qu’Orlock n’est pas comme les autres. Son apparence et son train de vie sont plus qu’inhabituels. Il vit la nuit, dort le jour, ressemble à un monstre et aime le sang…En cours de route, Hutter avait été mis en garde par plusieurs personnes sur la dangerosité de son voyage. Il était même tombé sur un livre évoquant Nosferatu. Mais il n’y a pas cru, a préféré prendre cela à la rigolade, trop préoccupé par l’appât du gain. Alors que Orlock/Nosferatu découvre le médaillon d’Ellen et le contemple en admirant son cou, Hutter comprend qu’il a peut-être mis sa vie et celle de son amoureuse en danger. Dès lors, la course sera lancée. Nosferatu prendra la route pour retrouver Ellen et Hutter essaiera tant bien que mal de le devancer…

Œuvre mythique du cinéma muet, Nosferatu impose d’emblée une atmosphère unique. Images en noir et blanc qui jouent avec la lumière et l’obscurité, le bien et le mal ; filtres inattendus qui imposent des ambiances fantomatiques, rêveuses, effrayantes ; musique étrange et hypnotique. On a l’impression de naviguer en plein cauchemar, d’être perdu entre le conte et la réalité. Le récit est simple, le fait de devoir lire les paroles des personnages et l’exposition de certains passages nous replonge dans un état presque enfantin. Mais tout ici est terriblement sombre puisqu’il sera question de mort tout du long. Les thèmes brassés sont nombreux : la différence, la foi, l’opposition entre le bien et le mal et les différentes forces qui cohabitent en nous, l’homme et la nature…

A un moment donné, il est dit que Nosferatu viendra s’infiltrer dans les rêves d’Hutter. La force de Murnau est de parvenir à incruster dans notre petite tête des images et des sentiments inoubliables. Des images d’une puissance folle qui évoquent l’expressionisme allemand, qui jouent avec les figures et les métaphores. Inoubliable ombre menaçante de Nosferatu dans son antre. Ou bien l’ombre de sa main qui s’empare du cœur d’Ellen. Inoubliable « scène du sacrifice » où Ellen accepte de faire don de sa vie pour sauver les autres. Acte de courage ou excès de masochisme, envie de se donner ? Le film se révèle souvent plus ambigu qu’il ne parait…

On oubliera pas non plus ces rats dégoutants que Nosferatu entraine avec lui, ces curieuses plantes carnivores ou encore les maisons et les portes marquées d’un grand « X ». Refusant d’admettre ou de révéler la vérité, on fera croire aux gens que la Peste se propage et on accusera Knock à la place d’Orlock (il fallait bien trouver quelqu’un pour que tout le monde puisse mettre un visage sur sa peur). Pour nous, spectateur, la peur c’est Nosferatu bien sûr. Tour à tour fascinant, un peu grotesque, effrayant. La « créature » n’est finalement pas ce qui nous effraie le plus. C’est davantage la crainte qu’elle inspire, son magnétisme sans égal, son univers étrange, qui nous échappe.

Entrainés, hypnotisés par les images et par la musique, on se retrouve face à des sensations brutes, des forces obscures qui touchent à des choses souterraines. On est confrontés nous-mêmes à notre soif d’aventure, nos fascinations morbides. Et forcément, ce voyage en 5 actes laisse une trace.

Film sorti en 1922 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3