FICTIONS LGBT

NOT ME (série Boyslove) : dualités et romances gays au sein d’un gang 

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Considérée par beaucoup de fans comme étant l’une des meilleures séries Boyslove de ces dernières années, NOT ME mêle romance, social, polar et action le temps de 14 épisodes. 

White et Black (Atthaphan Phunsawat) sont deux frères jumeaux. Inséparables lorsqu’ils étaient enfants, ils ont été brutalement éloignés lorsque leurs parents se sont séparés. Pendant de longues années les frangins n’ont eu aucun contact. Black est parti vivre avec sa mère et White avec son père. Ils ont tous les deux grandi de façon très différente. 

White est un garçon doux, sérieux, bon élève, qui essaie toujours de faire les choses bien. Son père entend faire de lui un diplomate et fait jouer ses contacts pour lui assurer un bel avenir. Ce qui dérange un peu White qui a dans ses valeurs l’équité et qui préfèrerait obtenir les choses au mérite. Depuis toujours, White et Black sont liés par une mystérieuse force qui les amènent à ressentir physiquement quand l’autre va mal. Un jour, White se sent très très mal. Quelque chose de mal est probablement en train d’arriver à Black et cela se confirme alors que leur ami d’enfance, resté proche de Black, Todd (Harit Cheewagaroon) appelle White pour lui demander de revenir en Thaïlande d’urgence car son frère est hospitalisé et dans le coma. 

White va découvrir ce que Black est devenu ces dernières années : découragé voire enragé suite à la corruption régnant dans son pays, il a rejoint un gang visant à troubler les forces établies et en particulier Tawi (Daweerit Chullasapya), un très puissant homme d’affaires mêlé à des trafics de drogue et qui aurait sous sa coupe une partie des politiciens, la Police et les médias. Il semblerait que le militantisme qui a incité Black à s’engager l’a amené à ne pas toujours faire des choses très légales ou justes. La colère l’aurait poussé à prendre de mauvaises décisions, à devenir un délinquant et à s’attirer les foudres de personnes très dangereuses. Quelqu’un a voulu le tuer et maintenant il est entre la vie et la mort. 

Todd demande à White de prendre l’apparence de Black et de se faire passer pour lui pour infiltrer son gang et tenter de trouver qui a pu chercher à l’assassiner. D’abord hésitant, White finit par accepter. Mais infiltrer le gang ne va pas être aisé : lui et Black ont des personnalités radicalement opposées. Black est froid, bagarreur, colérique et sans peur là où White est sensible, un peu poule mouillée, cérébral et sentimental. Une coupe de cheveux similaire, un piercing et des tatouages ainsi que la même garde robe suffiront-ils à duper tout le monde ? 

L’avantage que White a c’est que Black n’a jamais mentionné son existence. Il va donc falloir du temps pour que les membres du gang puissent repérer la supercherie. Du jour au lendemain, White bascule dans un nouvel univers, nettement plus violent, et va devoir faire ses preuves. Il va rapidement être tiraillé entre ses propres valeurs et ce qu’exige le groupe de lui. 

En pénétrant le gang, White découvre la vie de son frère et son entourage : son meilleur ami Gram (Tanutchai Wijitwongthong), le chef du gang Kumpha (Phromphiriya Thongputtaruk), l’artiste de la bande Yok (Kanaphan Puitrakul) et l’impétueux Sean (Jumpol Adulkittiporn) avec qui règne une certaine rivalité. Black avait aussi une petite amie avec laquelle il entretenait une relation compliquée, Eugene (Rachanun Mahawan). 

White n’a pas le temps de s’acclimater au gang que se lance déjà une première mission contre l’antagoniste de la série, le businessman véreux et dangereux Tawi. En y participant, il va comprendre qu’il va y avoir beaucoup de travail pour qu’il soit à la hauteur de ses camarades et qu’il évite d’éveiller les soupçons. Lors de cette mission périlleuse, son camarade Yok croise le chemin d’un mystérieux artiste de rue, UNAR (Gawin Caskey) qui semble aussi lutter en solitaire contre Tawi… 

Au fil des jours et des semaines, White va baisser la garde et réaliser que s’ils peuvent parfois être des têtes brûlées, les membres du gang ont bon fond et sont guidés par des intentions nobles. La personnalité de White, plus ronde et douce, va changer le rapport que Black entretenait avec chacun. L’amitié avec Gram sera moins forte, la relation avec Eugene va éclater car White, contrairement à Black n’est pas hétérosexuel mais gay. Mais surtout progressivement, Sean, qui a toujours eu des liens tendus avec Black va se rapprocher de White sans savoir qui il est vraiment… 

Alors que Sean le bad boy baisse la garde et entame une relation avec White (qui se fait toujours passer pour Black), ce dernier se voit confronté à ses propres contradictions. Dans le même temps, Yok se rapproche du street artist UNAR, découvre sa véritable identité et entame lui aussi une romance. Ces histoires d’amour naissantes et fortes ne vont pas manquer de perturber et de faire évoluer les missions du gang. Subsiste enfin la question : qui a vraiment cherché à éliminer Black et celui-ci a-t-il une chance de sortir du coma ? 

not me série boyslove

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A l’instar de la série boyslove de référence Kinnporsche qui proposait un arrière-plan original (un fond de thriller et d’action dans l’univers de la mafia), Not me se démarque en mêlant histoires d’amour craquantes entre garçons et fiction empreinte de message social (voire philosophique avec une réflexion sur le Bien et le Mal et la place des lois dans la société) avec en plus un aspect polar. Cela permet à cette mini-série assez dense de 14 épisodes d’éviter les écueils faciles et sirupeux du genre et d’apporter une touche singulière. 

C’est une série qui s’apprivoise et qui révèle sa puissance sur la durée. Les premiers épisodes pourront laisser certains spectateurs un tantinet de marbre car il y a beaucoup d’arcs narratifs et personnages, que l’intrigue met un certain temps à se mettre en place et à révéler sa complexité et aussi un peu car le jeune comédien Atthaphan Phunsawat manque un tantinet de charisme. Son air de minet, un peu poupon, donne l’impression qu’il est perdu au milieu du décor (ce qui au final colle bien à son personnage mais peut apporter un sentiment d’invraisemblance – quand on le voit il n’y a pas de doute qu’il n’a rien à faire là et qu’il n’est pas le Black qu’il prétend être). 

not me série boyslove

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Petit à petit, Not me tisse sa toile et gagne en intensité et en enjeux. La série interroge sur la justice, jusqu’où peut aller le militantisme avant de devenir une possible forme d’extrémisme, à quel point on peut lutter contre les systèmes corrompus sans se compromettre soi-même et flirter avec les limites et l’illégalité, voire le Mal. Jusqu’à l’arrivée de White, le gang préférait agir tête baissée plutôt que de réfléchir. La sensibilité du « nouveau Black » va amener davantage de stratégie et d’humanité, générer des tensions mais aussi apaiser voire améliorer des choses. Progressivement, White impose son propre style. 

Les aspirations du gang, guidées par des révoltes essentiellement personnelles (Sean, notamment, en veut à Tawi car il a été mêlé à la mort tragique de son père), vont peu à peu trouver un écho local voire national. Une révolte populaire se met en place et elle réveille les consciences. Et aux luttes sociales s’entremêlent d’autres. On assiste notamment à une manifestation de personnes LGBT qui va être déterminante et marquer le rapprochement net entre White et Sean. 

not me série boyslove

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Outre son arrière-plan original et qui amène un vrai fond, Not me peut s’appuyer sur deux romances très puissantes, touchantes et complexes. Celle principale d’abord, entre White et Sean. Ce dernier, assez antipathique et colérique au départ va révéler ses fêlures et devenir un autre homme alors qu’il va exprimer pour la première fois de la tendresse envers un garçon. Dans l’univers viriliste et brutal d’un gang, cette histoire d’amour gay va apporter un vent de fraicheur (et être joliment acceptée par tous). Mais évidemment une tension persiste car Sean pense être en couple avec Black et ignore que son frère jumeau a volé son identité… 

not me série boyslove

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La seconde love story d’envergure est celle, peut-être encore plus contrastée, entre l’adorable Yok et UNAR / Dan. Artistes tous les deux, liés par leur haine commune de Tawi, ils évoluent dans deux milieux très opposés, ce qui va les amener dans des situations compliquées. Enfin, de façon plus secondaire persiste un petit triangle amoureux entre « l’ancien Black », Eugene et Gram. 

not me série boyslove

Jouant habilement et avec beaucoup de sensibilité sur la dualité de chaque personnage tiraillé entre ses valeurs, ce qu’il est et ce dont il a envie, Not me se révèle être une série à la puissance émotionnelle et à la densité qu’on n’avait pas vu venir. Elle impose un style particulier, loin de l’univers coloré et parfois aseptisé des productions boyslove avec ses couleurs grises, son réalisme, sa galerie de personnages qui proviennent majoritairement de milieux populaires ou défavorisés.

Brassant joliment une grande variété de thématiques (la fratrie et la gémellité basée sur l’opposition, la famille, les traumas d’enfance, la soif de justice et de vengeance, la lutte des classes, la frontière ténue entre le Bien et le Mal, la difficulté de changer, la facilité de passer du mauvais côté…), l’ensemble laisse une véritable trace et n’a clairement pas volé les nombreux éloges déjà existants à son sujet. 

Série diffusée en 2021 et 2022 sur Youtube sur la chaine GMMTV en VOSTA 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3