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NOWHERE de Gregg Araki : destruction

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Avec Nowhere, Gregg Araki délivre un film à la fois pop, complètement nineties et cauchemardesque. Une journée perchée qui avance irrésistiblement vers le macabre sur fond de solitude adolescente. 

Dark (James Duval) est amoureux de Mel (Rachel True) et aimerait bien couler des jours heureux en sa compagnie. Mais Mel veut profiter à 200% de sa jeunesse et de son corps, a soif de fêtes, de rencontres et d’excès. 

Trainant comme un zombie dans un Los Angeles glam et vulgos, Dark essaie de se raccrocher à quelqu’un ou à quelque chose. En vain. Tout autour de lui, le chaos : des jeunes qui s’oublient dans les substances et dépendances, des conversations qui ne riment à rien, des émissions tv abrutissantes. Chacun essaie à sa façon de composer avec le vide total qui l’entoure, cherche un moyen de s’en extirper, par la chair ou les produits. 

Le cool et la débauche se muent en cauchemar le temps de 24h, du jour à la nuit, de la lumière aux ténèbres. Des rumeurs annoncent une apocalypse imminente, Dark croit apercevoir des extraterrestres. Est-ce le début de la fin ? 

nowhere film gregg araki

À l’instar de Totally F***ed Up et Doom Generation (avec lequel on dira qu’il constitue une forme de trilogie – la « Teenage Angst Trilogy »), Nowhere est un grand cri de solitude adolescente sous son vernis cool et punk-rock. 

A l’écran défilent de façon plus ou moins furtive tout un tas de noms connus, emblématiques des années 1990 : Ryan Philippe, Heather Graham, Shannen Doherty, Rose McGowan, Christina Applegate, Mena Suvari, Traci Lords ou même Chiara Mastroianni. Ils participent à des saynètes à l’humour potache et trash revendiqué. Par leur posture cool excessivement surjouée, leur jeunesse éclatante et leur comportement sous substance, les protagonistes évoquent les premières oeuvres d’un certain Bret Easton Ellis (à noter d’ailleurs qu’une des couvertures françaises du livre Les lois de l’attraction a pour visuel de première page une image de Nowhere). 

nowhere film gregg araki
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Gregg Araki dresse ici le portrait déjanté et désenchanté d’une génération qui a l’impression d’être celle qui assistera à la fin du monde, ne croyant plus en rien, courant presque irrésistiblement vers sa propre perte. Chacun souffre à sa façon de solitude, de ne pas être compris, et cherche un moyen de se sentir relié à l’univers. Et souvent cela tourne mal, l’insouciance laissant place à la violence, la barbarie, la destruction. 

Très nineties dans son esthétique (de par son stylisme notamment mais aussi de par sa photographie pop et flashy qui n’hésite pas à tendre vers le criard), ce long-métrage devenu culte trouve encore un fort écho aujourd’hui. Photographie d’une jeunesse trash fantasmatique, d’une époque, d’une génération. La fin du monde ou l’invasion des extra terrestres peut facilement être perçue comme une métaphore de la fin de l’adolescence, la mort brutale d’un cycle. 

nowhere film gregg araki
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En filigrane, toujours, la quête d’amour et de sens du « loner » / « stoner » Dark dont on espère tout le métrage durant qu’il finira par oser se rapprocher du beau Montgmorey (Nathan Bexton). 

Volontiers hystérique, s’amusant avec le mauvais goût, balançant des répliques tordantes et improbables à la chaine, Nowhere n’a rien perdu de sa saveur et de sa folie : sa liberté de ton continue de séduire des décennies plus tard. Un trip total entre teen movie, comédie noire, science fiction psychédélique et slasher. 

Film sorti en 1997 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3