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NUITS D’IVRESSE PRINTANIÈRE de Lou Ye : folie des sens et des sentiments

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Deux hommes, Wang Ping et Jiang Cheng, ensemble dans une maison isolée. Des étreintes passionnées, des sentiments palpables. Ils se retrouvent souvent en cachette. Wang Ping est marié. Sa femme paie un jeune étudiant, Luo Haitao, pour espionner son compagnon. Elle ne tarde ainsi pas à découvrir qu’il la trompe et le choc que cela soit avec un homme ne fait que décupler le poids de la trahison. Alors que son mariage vole en éclat, Wang ping attend du réconfort de la part de Jiang Cheng. Mais ce dernier ne supporte plus la complexité et la tournure dramatique que prend leur relation. Il traine dans les bars et finit par se lier avec Luo sans savoir qui il est. Luo à force de le suivre s’est épris de lui mais continue d’entretenir une relation avec une jeune femme travaillant à la chaine, Li Jing (qui elle même à une relation ambiguë avec son patron). Nous sommes à Nankin, c’est le Printemps, les fleurs éclosent et les désirs explosent…

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Lou Ye , cinéaste de le passion, avait déjà marqué les esprits avec ses précédents longs-métrages et en particulier Une jeunesse chinoise qui avait subi les foudres de la censure dans son pays. C’est ainsi que Nuits d’ivresse printanière fut tourné clandestinement. Beaucoup de caméra épaule, une réalisation très instinctive qui colle parfaitement avec les égarements de ses protagonistes. Voici une œuvre très sensuelle où l’on passe d’un personnage, d’un corps à corps à l’autre avec une grande fluidité. Alors qu’on pouvait s’attendre à un drame classique sur l’adultère, le réalisateur tisse une intrigue aux allures de ballet mélancolique vertigineux où chacun s’oublie ou tente d’oublier dans des bras trop souvent de passage.

Les relations ne seraient-elles que des nuits d’ivresse dont on ressort avec un violent mal de crâne et une sensation d’égarement ? Alors que les couples se font et se défont, nous plongeons dans l’intimité de chacun, nous assistons au portrait d’une société perdue entre désir et raison, qui se cherche sans jamais parvenir à vraiment se trouver. Chaque rencontre est l’occasion de s’explorer, l’espoir de se renouveler mais cela ne dure qu’un temps : une saison remplace une autre. Il y a des partenaires, des souvenirs qui ne sont pas interchangeables tant ils sont douloureux. Jiang Cheng va le réaliser peut être trop tard.

Avec peu de moyens, Lou Ye livre une œuvre intense, troublante et hyper sensible. Un film où tout peut basculer d’un moment à l’autre, où les couples peuvent se former ou se détruire d’une scène à l’autre. Nuits d’ivresse printanière diffuse délicatement et très brillamment  son parfum de spleen. Avec en bonus des scènes d’intimité à faire tourner la tête.

Film sorti en 2010 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3