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OSCAR WILDE de Brian Gilbert : Wilde intime

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Adaptant une biographie d’Oscar Wilde écrite par Richard Ellmann, le film de Brian Gilbert nous présente le célèbre dramaturge alors qu’il est sur le point de réaliser ses plus grandes réussites : Le portrait de Dorian Gray, son seul vrai roman, et la pièce L’importance d’être Constant. Mais ce qui intéresse surtout le cinéaste, c’est sa vie privée.

Oscar Wilde (Stephen Fry) choisit presque au hasard Constance Lloyd pour épouse. Car elle est douce et très bon public, toujours réceptive à ses bons mots. Leur mariage est dans un premier temps heureux : complicité évidente, plusieurs enfants. Mais Wilde semble cacher quelque chose : il ne s’avoue pas qu’il est attiré par les hommes. C’est un proche, Robert « Robbie » Ross qui va rendre ses envies enfouies bien réelles. Ce dernier ne manque en effet pas de le provoquer et de lui sauter dessus, éveillant définitivement le goût de l’artiste pour les personnes du même sexe. Il commence alors à entretenir plusieurs liaisons qui restent secrètes. Mais un jour, il croise le chemin du jeune, magnifique et ténébreux Lord Alfred « Bosie » Douglas. Conscient de ses charmes, provenant d’une grande famille, à vif à cause d’un père tyrannique et homophobe, Bosie touche Wilde comme personne n’était parvenu à le faire jusqu’alors.

Début d’une passion destructrice. L’évidence, le désir qui tourne la tête, laissent place à des querelles parfois très violentes. Bosie ne se gêne pas pour humilier son amant et mentor, refusant de prendre soin de lui quand il est malade, imposant constamment ses règles du jeu. Le dramaturge cède à tous ses caprices, le gâte jusqu’à presque se ruiner, le laisse coucher avec d’autres hommes sous son nez. Mais qu’importe la possible perversité de leurs rapports, le lien essentiel qui les lie les ramène toujours l’un à l’autre.

La liaison, de moins en moins clandestine, ne tarde pas à faire scandale. L’entourage de Wilde déplore la mauvaise influence de Bosie sur lui et sur son travail. Sa femme Constance, pas dupe, accepte la situation sans oser broncher. Le père de Bosie, lui, finit par déclarer la guerre au « sodomite » qui selon lui compromettrait son fils. La haine entre le père et son garçon causera la chute de Wilde qui par amour pour Bosie, pour le défendre, attaquera son paternel pour diffamation. Mais le procès le mettra à terre, victime des prétendues bonnes mœurs de l’époque.

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Brian Gilbert livre un portrait sensible et pas toujours glorieux de son sujet. Admiré, suscitant une dévotion presque aveugle de ses proches (Robert Ross le laissera partir dans les bras d’autres hommes sans faire la moue, Constance Lloyd, bafouée, ne demandera jamais le divorce, sa mère ne le remettra jamais en question) , Oscar Wilde apparaît comme dépassé dès qu’il est aux côtés de Bosie. Le maître spirituel se laisse époustoufler par l’insolente jeunesse de son disciple. Cette fascination fait tomber le masque, les costumes du génie: il n’est finalement qu’un homme comme les autres, faible, se laissant consumer par la passion. De Bosie, il acceptera tout. Le suivre dans un bordel, ne plus le voir nu que quand il couche avec d’autres hommes devant lui, ses crises de colères et ses reproches injustifiés. Même l’esprit le plus vif, le plus cynique, tombe les armes quand le cœur est touché… Interprète de Bosie, le jeune Jude Law, au sommet de sa beauté, trouve ici un rôle particulièrement intense, matérialisant la beauté et l’érotisme vénéneux de son personnage. Un personnage d’une sensibilité et d’une folie qui laissent sans voix.

De la folie, c’est peut-être ce qui manque à la forme de ce projet. Brian Gilbert se contente en effet d’une plongée dans la fin des années 1800 un poil académique, bien qu’elle ne manque pas d’élégance, entre plans tableaux et poésie qui s’infiltre dans le champ. On pourra aussi reprocher au scénario de prendre un peu trop de distances avec les faits réels, notamment sur la fin. Mais qu’importe : on se laisse aisément passionner par le portrait intime d’Oscar Wilde, par le récit de sa grande passion avec Bosie et la peinture peu flatteuse d’une société anglaise rigide et hypocrite.

Film sorti en 1997 et disponible en DVD d’occasion

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3