CINEMA
PÉRIL EN LA DEMEURE de Michel Deville : jeux tordus
Adaptation du roman Sur la terre comme au ciel de René Belletto, Péril en la demeure de Michel Deville revisite de façon insolente et jouissive le polar. Aussi génial que déstabilisant.
David Aurphet (Christophe Malavoy), professeur de français qui donne des cours de guitare pour arrondir ses fins de mois, est engagé par la riche famille Tombsthay pour donner des leçons à leur fille, l’adolescente Viviane (Anaïs Jeanneret). Très vite, David tombe sous le charme de la mère de sa nouvelle élève, Julia (Nicole Garcia), qui même si elle est mariée à un homme puissant avec lequel elle semble former un couple solide (Michel Piccoli), n’a de cesse de l’aguicher. Ils entament une liaison très charnelle.
Rapidement, les amants sont surpris par la nouvelle voisine des Tombsthay, Edwige (Anémone). Alors que David constate qu’elle vient de les voir s’embrasser, il l’invite à prendre un verre. Il y a de la séduction dans l’air et ils sympathisent. Au fil des jours, David réalise qu’il s’est embarqué sans le savoir dans un jeu infernal : peut-il vraiment se fier à Julia qui le tient par l’entrejambe mais dont les intentions semblent floues ? Doit-il craindre son mari ? Que cherche la jeune Viviane qui se met à elle aussi l’allumer ?
Victime d’une énigmatique agression, David est secouru par un homme mystérieux, Daniel (Richard Bohringer) ,avec lequel il se lie d’amitié. Ce dernier est tueur à gages et va l’encourager à se méfier des Tombsthay. L’agresseur aurait-il été engagé par le mari jaloux ? Et voilà que surgissent d’étranges cassettes où Daniel est filmé dans ses ébats avec Julia…
L’histoire peut paraitre alambiquée et elle l’est ! Michel Deville s’amuse ici à déjouer toutes les attentes pour nous plonger dans un polar aussi sensuel (les scènes d’intimité entre Christophe Malavoy, très suave, et Nicole Garcia sont abrasives) que barré. Côté mise en scène c’est un véritable tour de force. Comme si l’histoire, étrange et riche en rebondissements, ne suffisait pas, Michel Deville nous égare avec une réalisation originale, hyper maîtrisée. L’ensemble ressemble à un grand ballet pervers qui prend un plaisir non dissimulé à égratigner la bourgeoisie et la morale.
Tout est surréaliste, on est complètement ailleurs, dans un labyrinthe où chaque protagoniste révèle peu à peu sa singularité, sa folie. Si visuellement on en prend plein les yeux, emportés du début à la fin, les dialogues sont peut-être ce qu’il y a de plus jouissif dans cette audacieuse production qui ne ressemble qu’à elle-même. De façon littéraire et mordante, les personnages parlent sans filtre et balancent un nombre incalculables de répliques géniales qui ne cessent de surprendre et de faire sourire (mention spéciale à Anémone, excellente dans la peau de cette voisine complètement bizarroïde et voyeuse). Il émane de Péril en la demeure une sorte d’irrésistible perversité, de liberté. Plus on avance, plus le réel est altéré.
Pour tromper la solitude et l’ennui, assouvir leurs désirs et leurs vices, les Tombsthay et ceux qui gravitent autour d’eux ne manquent pas d’idées. Réussissant à mêler tension et humour noir, Michel Deville rend cette histoire crédible alors que tout est au fond un peu improbable et que ce qui d’habitude est pris avec sérieux (l’adultère, la trahison, la mort) se transforme en vaste blague. Imprévisible, gonflé et complètement culte.
Film sorti en 1985. Disponible en VOD