FICTIONS LGBT
PRESQUE RIEN de Sébastien Lifshitz : un amour de vacances
Mathieu (Jérémie Elkaïm) vient d’avoir la majorité et passe du temps en famille dans sa maison d’été. Loin de la grisaille parisienne, le climat n’est pas plus chaleureux. Suite à la perte d’un bébé, sa mère (Dominique Reymond) a des troubles psychologiques qui la conduisent à une défaillance physique, la clouant la plupart du temps au lit. Elle est alors aidée dans la maison par son amie/membre de la famille, Annick. Il y a aussi la sœur de Mathieu avec laquelle ce dernier est en conflit perpétuel…
Heureusement, pour fuir les tensions ou douleurs familiales, il y a la plage. En y bronzant, Mathieu attire le regard d’un jeune inconnu qui ne le restera pas longtemps. Il s’appelle Cédric (Stéphane Rideau), est bâti comme un dieu et semble s’être attaché à lui avant même le connaître. Mathieu n’était pas habitué aux relations entre garçons mais va s’adonner à ces nouveaux plaisirs avec insouciance. Ce qui devait être une amourette d’été se change en véritable romance. Romance que l’on sent pourtant, via des flash forwards, vouée à l’échec…
Presque rien est avant tout l’histoire d’un amour entre deux jeunes garçons sans coming out dramatique ou idées préconçues. Le film est sorti en 2000, à une époque où l’homosexualité ne s’affichait pas encore très ouvertement dans le cinéma français. Le fait de montrer cette rencontre simple puis vénéneuse avec un érotisme assumé et une certaine liberté a valu à cette production relativement modeste de devenir un film culte pour bon nombre de jeunes gays. J’en fais partie : quand j’ai vu Presque rien, c’était un peu comme découvrir que l’on pouvait s’aimer entre garçons sans contraintes, que c’était pareil pour tout le monde, avec les hauts et les bas.
On est toutefois loin de la bluette simplette. Les flash forwards nous avertissent que quelque chose va se passer, que Mathieu va essayer de se suicider, qu’il finira seul par choix. La dureté de la rupture s’oppose à l’effervescence des premiers baisers, des premières étreintes toutes chaudes sur la plage. Le réalisateur porte un regard plein d’envie sur son duo et il est bien difficile de ne pas avoir la tête qui tourne face à ces deux éphèbes bronzés et désireux de s’aimer. Qu’est-ce qui a fait que Mathieu soit au plus bas, qu’il ait envie de quitter Cédric ?
Plus le film passe, plus la relation devient belle et intense. Ces deux-là se sont trouvés. Et le tour de force du film est d’opposer à cette montée des sentiments l’annonce d’une rupture définitive. Le titre de l’œuvre prend alors tout son sens : c’est presque rien. On peut tomber dans la dépression pour presque rien, on peut aimer spontanément pour presque rien, les sentiments peuvent s’envoler d’un coup sans grands incidents, presque rien. C’est bien la cruauté du jeu de l’amour : personne n’est forcément à blamer, à un moment l’un des deux change, a envie d’autre chose et c’est la fin de tout.
Entre le soleil et la sensualité de l’été et la froideur et la solitude de l’hiver, Sebastien Lifshitz explore aussi bien la beauté tragique d’un amour de jeunesse que la solitude d’un jeune homme en pleine construction en passant par un très beau et pudique portrait de famille. On retiendra ainsi le rapport à la mère. Mère malade (pour Mathieu), mère absente (pour Cédric) ou mère poule (personnage secondaire de Pierre). Les jeunes gays et leur maman…On ressort de ce film avec un certain spleen, une grande mélancolie mais aussi et surtout avec la sensation d’avoir assisté à une œuvre belle et douloureuse qui nous rappelle que comme l’été, le grand amour ne dure qu’un temps.
Film sorti en 2000 // Disponible en DVD