FICTIONS LGBT

PRISCILLA , FOLLE DU DÉSERT de Stephan Elliott : la route rose

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En Australie, à Sidney, Tick, dit Mitzi (Hugo Weaving), effectue des numéros de drag queen dans des clubs. Il entreprend un voyage pour Alice Springs, où il est invité à se produire dans un casino. Son amie Bernadette (Terence Stamp), transsexuelle dont le jeune compagnon vient de mourir, accepte de l’accompagner histoire de se changer les idées. Mais Tick ne l’avait pas prévenue que serait également de la partie Adam, dit Felicia (Guy Pearce), gay survolté, extravagant et langue de vipère. C’est grâce à ce dernier qu’ils trouvent le véhicule qui leur permettra de voyager : un bus-caravane qu’ils baptisent « Priscilla, reine du désert ». Le voyage n’est pas de tout repos entre petites querelles et confrontations, révélations (Tick finit par avouer qu’il va avant tout à Alice Springs dans le but de rendre un service à sa femme, dont tout le monde ignorait jusqu’alors l’existence), problèmes de moteur qui amènent le bus à tomber plusieurs fois en panne au beau milieu de nulle part… Le trio effectue plusieurs arrêts dans des bourgades australiennes où ils attirent tous les regards. On les juge, on les dénigre, mais ils ne se dégonflent pas et finissent la plupart du temps par faire accepter leur singularité. Ce voyage à travers le pays sera l’occasion, notamment pour Tick et Bernadette, de faire le point sur leur vie et de s’autoriser à avoir le courage de suivre leurs envies…

Film culte, Priscilla, folle du désert (The adventures of Priscilla, Queen of the desert en VO) est un road movie enchanteur, riche en répliques piquantes et drôles. Si l’humour camp fait des merveilles, l’émotion n’est pas en reste, le réalisateur Stephan Elliott nous offrant des personnages en marge aspirant au bonheur et se révélant terriblement attachants. L’oeuvre touche à quelque chose d’universel : le désir d’assumer, affirmer sa personnalité, son identité, sans être pour autant rejeté par la société. Le trio n’a pas froid aux yeux et n’hésite pas à se produire dans des bars remplis d’arriérés au cœur de bourgades australiennes isolées. De quoi susciter les confrontations, qui se terminent de façon plus ou moins heureuses (une patronne de bar très fermée d’esprit essaie de mettre à la porte Tick et ses amis avant de se faire ridiculiser et que la bande ne soit adoptée par les clients / les drag queens s’offrent un moment de musique improbable et délicieux avec des aborigènes / dans un autre village, Bernadette se lie avec un homme, Bob, qui va se joindre au trio après que son hystérique de femme ait mis les voiles / lors d’un arrêt, Adam après avoir pris de la drogue se fera agresser alors qu’il se rend à une fête locale habillé en travesti…).

priscilla folle du désert

A bord de leur bus, qui sera tagué, recouvert d’insultes homophobes avant d’être recouvert de rose par ses propriétaires, les trois copines partent en quelque sorte à la conquête du pays et d’elles-mêmes. Le succès du film n’est pas un hasard : il est à la fois très drôle, potache par moments (la délirante scène de strip tease avec balles de ping pong effectuée par la femme de Bob), révèle des protagonistes attachants et finalement pas si clichés, qui ont leurs travers, leurs faiblesses, qui brillent autant par leur fantaisie (costumes drag et maquillage extravagants de rigueur quand il s’agit de faire le show) que par leur sensibilité (derrière le maquillage, un tempérament souvent volontairement outrancier, se cache des êtres fragiles, qui aspirent à des choses simples comme l’amour, l’intégration à la société, la filiation).

Si l’ensemble sent bon la liberté, est une invitation à l’aventure avec entre autres les beaux paysages du désert, la réussite du film, remarquablement écrit, tient aussi dans ses acteurs. Ils sont tous adorables et émouvants à leur façon et Terence Stamp tire particulièrement son épingle du jeu avec son rôle de transsexuelle qui attend encore l’amour sans trop y croire, qui impose sa féminité et sa personnalité envers et contre tous. On ressort de ce long-métrage en se sentant très léger, optimiste. Car ce qu’il nous raconte c’est qu’il peut encore et toujours y avoir l’espoir de mener sa vie comme on l’entend, de triompher des regards. Le personnage du petit garçon, introduit en fin de métrage, est notamment très fort, laissant entendre que si les enfants sont élevés dans la tolérance, l’ouverture d’esprit et l’amour de l’autre, bien des choses restent possibles. Joliment irrévérencieux et profondément humaniste.

Film sorti en 1995 // Disponible en DVD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3