CINEMA

QUAND L’EMBRYON PART BRACONNER de Koji Wakamatsu : l’homme misogyne

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Sadao (Hatsuo Yamatani) aurait voulu ne jamais sortir du ventre de sa mère. Il n’aurait jamais voulu connaitre ce monde cruel où de son point de vue les femmes séduisent et détruisent.

Pour tenter de comprendre Sadao, il faut se replonger dans son passé : sa mère désirait à tout prix un bébé, ce qui n’était pas le cas du mari de celle-ci. Incapable de se résoudre au choix de son époux , elle a alors trouvé le sperme d’un autre pour aller au bout de son envie. Le mari n’a pas compris. Plongé dans un univers hostile, Sadao a fini par trouver l’amour auprès d’une femme…avant de se faire humilier et abandonner. En a suivi un profond mépris de la gent féminine, une haine difficile à contenir pour lui.

Un soir, Sadao, devenu directeur de magasin, décide de séduire une de ses vendeuses. Celle-ci se laisse aller, excitée par le physique charmant de son flirt et par sa position sociale dominante. Mais il se trouve que dominant, Sadao ne l’est pas seulement dans son travail. Il est même carrément sadique au lit. Cette jolie célibataire, prénomée Yuka (Miharu Shima), va être droguée à son insu par son amant. Et une fois que la drogue aura fait effet , elle va s’avérer être le défouloir de Sadao.

Tout en se souvenant de son traumatisant passé, il va la fouetter, l’humilier, faire d’elle la spectatrice d’un discours extrêmement misogyne. Si elle veut rester en vie, Yuka va devoir apprendre à se soumettre, à devenir celle que Sadao attend qu’elle soi. La nuit risque de partir en vrille…

quand l'embryon part braconner

Quand l’embryon part braconner est un film complètement malade fait par un malade. Ici, le sadisme est à la fois un plaisir sexuel en tant que tel mais aussi un moyen d’extérioriser un passé trop lourd à porter. Les féministes auront de quoi tomber dans les pommes tant le propos tenu vis à vis des femmes est rude voire parfois vulgaire. La pauvre Yuka va s’en prendre plein la tronche et subir les pires humiliations.

Clairement ce film sorti en 1966 et qui avait refait parler de lui lors d’une reprise en salles au début des années 2000 ne pourrait peut-être plus être fait aujourd’hui tant il susciterait l’indignation avec son ultra violence et ses propos si malheureux et fous qu’on a envie de les prendre au second degré.

Le réalisateur réussit pourtant le pari fou (et certes assez dangereux pour ceux qui n’arriveraient pas à prendre de recul) de rendre le personnage de Sadao aussi touchant que celui de Yuka (qui au final est un joli portrait de femme face au monstre qu’est son partenaire masculin) et parvient même franchement à rendre son oeuvre très belle et souvent sensuelle, malgré sa noirceur.

Un film tourné dans un appartement, sans moyens, avec un sujet tordu et une atmosphère ô combien malsaine : les plans sublimes et enigmatiques s’enchaînent et le spectateur plonge dans un cerveau sérieusement atteint et misogyne. C’est pour le meilleur et pour le pire marquant et à la surprise générale touchant et réellement envoûtant. Pas pour tout le monde mais curiosité.

Film sorti en 1966

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3