FICTIONS LGBT
SHELTER de Jonah Markowitz : faire des vagues
Californie. Zach (Trevor Wright) est passionné de dessin et rêverait d’étudier dans une école d’arts. Mais ses aspirations sont freinées par son devoir familial. Vivant avec son père malade, sa sœur irresponsable et le fils de cette dernière, l’adorable petit Cody, il se partage entre soirées baby sitting et un job dans un fast food. Sortant avec une jolie blonde qui ne semble pas le faire vibrer des masses, le jeune homme enchaîne les journées en évitant soigneusement de se poser trop de questions.
Quand Shaun (Brad Rowe), le grand frère de son meilleur ami Gabe, revient dans les parages suite à une rupture, des bouleversements se profilent. Romancier, ce séduisant trentenaire assume son homosexualité et trouble visiblement Zach. Alors qu’ils passent de plus en plus de temps ensemble, l’ambiguïté s’amplifie et ils finissent par se sauter dessus. Shaun va tenter d’aider Zach à oser poursuivre ses rêves. Mais comment peut-il faire son coming out, assumer vraiment qui il est et reprendre ses études sans heurter ses proches ? N’y a-t-il pas un moment où il faut savoir arrêter de consacrer sa vie aux autres pour penser un peu à soi ?
Film indépendant sorti discrètement en 2007 (généralement directement en DVD), Shelter a acquis depuis une petite réputation de joli film gay culte, se retrouvant fréquemment dans des TOPS dédies au cinéma dit LGBT. Cela peut surprendre tant le projet est modeste : une mise en scène assez télévisuelle, lisse, une production aux moyens réduits, une intrigue qui sur le papier n’a rien de particulièrement exaltante. Et pourtant… Les spectateurs adeptes de films tendres et guimauves seront servis tant la love story que le réalisateur Jonah Makowitz dessine se révèle craquante.
On est déjà complètement en empathie avec le jeune personnage principal. Zach est mignon et adorable, il mérite une médaille pour sa gentillesse et sa patience. Pendant que sa sœur passe son temps à accumuler les amants et faire la fête, il veille sur son petit garçon, bosse dans un fast food au lieu de se consacrer à des études bien plus excitantes pour subvenir aux besoins des siens. Histoire que tout le monde soit content et de ne pas faire de vagues, il a aussi à son bras la parfaite petite amie blonde californienne. Bref, Zach fait tout pour faire plaisir aux autres et discrètement renonce à tout ce qui peut l’amener à se sentir vivant. Quand son cœur s’emballe pour Shaun, garçon plus âgé, sexy, protecteur et rassurant, il remet enfin en question sa petite vie qui contrairement à ce qu’il veut laisser croire ne lui convient pas du tout.
S’il est volontiers sirupeux et démonstratif dans ses dialogues, ce long-métrage a une sincérité touchante et ses artifices finissent par faire chavirer. Saturé de musique pop-rock, accumulant les scènes sur la plage avec des après-midi à surfer ou à flâner, Shelter ne manque pas de charme et mine de rien échappe à bien des lourdeurs. Contrairement à ce que l’on aurait pu craindre, il n’est pas ici question d’un énième film de coming out dans la douleur. Certes, le cheminement de Zach ne sera pas facile mais l’ensemble est assez solaire, plein d’espoir, finissant même par aborder en filigrane, légèrement en avance sur son temps, la question de l’adoption pour les couples gays. C’est plein de bons sentiments, généreux, avec un couple de garçons merveilleusement bien assortis, émouvants et sexy. Une belle histoire d’amour au milieu des vagues et une quête identitaire qui s’achève de façon lumineuse : Shelter fait l’effet d’un feel good movie et emporte bien l’adhésion.
Film produit en 2007