CINEMA

SI JE T’AIME, PRENDS GARDE À TOI de Jeanne Labrune : une passion sans concession

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Avec « Si je t’aime , prends garde à toi », Jeanne Labrune offre au spectateur un duel passionnel, psychologique et sexuel au spectateur, incarné de façon jouissive et impériale par Nathalie Baye et Daniel Duval.

Tout commence par un voyage en train. Samuel (Daniel Duval), marchand de tapis, craque instantanément pour Muriel (Nathalie Baye) qu’il aperçoit en train de faire une sieste dans un wagon. La conversation s’engage, elle l’aide à s’en sortir alors qu’un contrôleur passe et qu’il n’a pas de billets. Ils se quittent, il connait son nom à elle, n’a pas son numéro. Il la retrouve le lendemain. Elle hésite. C’est que son coeur n’est pas tout à fait encore disponible : elle vient de se séparer de son compagnon dont elle est encore dépendante. Mais ce dernier étant ferme sur la fin de leur histoire, elle donne sa chance à Samuel. Commence alors une passion complètement folle.

Daniel Duval est assez incroyable dans la peau de Samuel, homme blessé par la vie, pris d’une envie dévorante d’aimer jusqu’à la déraison. C’est un homme séduisant, frontal, sans filtre, très sexuel. Il emporte Muriel dans des ébats crus, bestiaux. Il lui témoigne son amour, sa tendresse, sans filet. Mais il adore aussi la pousser dans ses retranchements, jouer, la mettre à l’épreuve, la pousser à bout pour voir « le tigre » qui sommeille en elle. Il veut qu’elle lui révèle toutes ses facettes, il veut tout savoir et tout voir d’elle et pour cela il ne recule devant rien, la mettant dans l’embarras, l’humiliant, la bousculant, la menaçant. Il lui met la honte au restaurant, malmène un de ses amis, hurle, casse tout ou lève la main. Il est intense, parfois flippant et fou, il s’exprime comme personne n’oserait le faire, comme un livre ouvert. Et à sa bestialité s’oppose par moments un caractère d’enfant perdu. Derrière l’homme dominant et féroce, les fêlures…

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Duval trouve une partenaire de jeu hors norme en Nathalie Baye qui incarne une écrivaine bourgeoise. Samuel, Muriel le le met au défi, parvient toujours à lui faire face, ne perd pas son sang froid et lui montre qu’elle est forte, qu’elle est une de ces femmes qui n’est « ni une mère, ni une pute ». Elle accepte autant qu’elle peut ses débordements, elle s’en amuse parfois, est fascinée par cet homme qui ne ressemble à aucun autre et qui lui offre de purs instants de vie et de passion. Elle s’abandonne à lui mais elle se débat : c’est comme si à chaque moment de tendresse et de quiétude se superposait une crise d’une violence inouïe. Elle le met en garde : s’il ne veut pas la perdre, il devra lui donner respect et confiance. Jusqu’où acceptera-t-elle de jouer ? Jusqu’à quel point peut-on laisser un amour charnel et fou prendre le pas sur son quotidien ?

On est face à un pur film français avec ses joutes verbales et ses crises de nerfs sentimentales. Et dans le genre, c’est très réussi. Les dialogues ne cessent de nous étonner et la guerre amoureuse que se déclarent les deux personnages est d’une belle intensité. Comme Muriel, on est à la fois amusé, fasciné et craintif face au personnage primitif de Samuel. Nathalie Baye, pleine de répondant et de surprises, trouve là un de ses rôles les plus jouissifs. Et en toile de fond se dessine une réflexion sur l’amour : on le vit par procuration à travers les films, on le fantasme à travers l’art mais quand vient le réel, jusqu’où peut-on aller ? Quelles sont nos limites, quelles sont les limites de l’amour-même ? Peut-on vraiment envoyer valser les conventions, les regards extérieurs, les règles ?

Cette romance entre désir et répulsion, amour et haine, oppositions orageuses et réconfort fait l’effet d’un tourbillon. Pour sûr, on ne s’ennuie pas !

Film sorti en salles en 1998 / Disponible en VOD

 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3