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STUDIO 54 (Director’s cut) de Mark Christopher : vertige des paillettes

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Années 1970. Shane (Ryan Philippe) a grandi dans le New Jersey et n’en peut plus de sa vie dans son bled paumé. Ce qu’il veut, c’est aller danser en ville, voir du beau monde, tenter de « devenir quelqu’un ». Une nuit, entraîné par ses amis, il tente d’entrer au mythique club où toutes les célébrités se pressent : le Studio 54. Tandis que ses amis sont refoulés, Steve Rubell (Mike Myers) laisse la possibilité à Shane d’entrer à la condition qu’il se mette torse nu. Il le fait et pénètre dans ce temple du disco où les personnalités les plus atypiques se mélangent sur la piste de danse, où les corps s’entrechoquent dans des recoins orgiaques, où les espoirs de célébrité fusent autant que les rails.

Découvrant que son corps sculpté et imberbe attire bien des convoitises, Shane décide d’utiliser ses charmes pour mener une nouvelle vie. Il parvient à se faire embaucher  comme serveur, quitte le cocon familial pour emménager chez deux de ses nouveaux collègues de travail qui forment un couple en apparence solide : Greg (Breckin Meyer), qui rêve de gravir les échelons au bar et Anita (Salma Hayek) qui se fantasme en chanteuse et bosse au vestiaire en attendant.

Petit à petit, Shane se fraie un chemin en couchant avec les bonnes personnes, femmes comme hommes. Il se met à dealer de la drogue au bar avec la complicité de son ami Greg, joue au cover boy pour Interview Magazine. Sa petite ascension lui fait toutefois rapidement perdre pied et il se met à tout mélanger : à force de se marchander lui-même, il ne sait plus qui il est et devient un prédateur qui ne mesure plus les conséquences de ses actes…

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Sorti en 1999 en France, Studio 54 (54 en VO) a rapidement été rangé, malgré sa BO disco emballante et son casting très sexy (Ryan Philippe était définitivement au top !) dans la catégorie des gros navets. La faute à un scénario ronronnant, une mise en scène plus proche du téléfilm que du cinéma d’auteur, un manque de souffle et d’audace. Mais curieusement le projet a gardé son petit parfum de culte, s’est imposé comme un plaisir coupable. En 2015 a surgi à la Berlinale une version director’s cut. L’occasion pour le réalisateur Mark Christopher de s’épancher sur le carnage que fut la sortie de son film lors de sa sortie à l’époque. Censuré, remonté, assagi : le projet avait perdu tout de son mordant. Après avoir obtenu les accords du casting et de la production et avoir remis la main sur des rush presque perdus, l’auteur peut désormais enfin montrer au public l’oeuvre qu’il avait souhaité faire.

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Pas de doute : la nouvelle version est bien meilleure que la précédente, apportant notamment à son personnage principal davantage de complexité, d’ambiguïté. Shane est certes un beau garçon candide et attachant mais c’est aussi un arriviste qui use et abuse de son corps pour tenter de devenir une petite starlette. La version director’s cut le montre comme un bourreau et une victime, un prédateur ambigu qui se laisse trainer de bras en bras, s’acoquinant avec une cougar snob ou des messieurs influents.

Autre point positif : la force du trio entre Shane, Anita et Greg qui se retrouve vraiment au centre du métrage et se mue en un étrange triangle sentimental. Shane ne peut s’empêcher de vouloir coucher avec Anita, désire aussi Greg qui lui peine à lui rendre la pareille… Mark Christopher dresse à travers ces trois figures le portrait d’une jeunesse rêvant de célébrité et d’ailleurs, célèbre un peu naïvement l’amitié au détriment des apparences.

Si en terme de récit ce deuxième Studio 54 gagne au change, il n’en reste pas moins visuellement un peu plat malgré tous les moyens mis en oeuvre pour tenter de restituer la fièvre du club mythique. Et le triangle sentimental ne suffit pas à palier à des faiblesses d’écriture persistantes (la variation sur le caractère éphémère de la célébrité, ultra réchauffé, des personnages secondaires toujours aussi stéréotypés…). Toujours pas de grand film en vue donc mais un moment sans doute moins coupable, plus attachant et nettement plus gay et sexy.

Film original sorti en 1999. Director’s cut sorti en 2015. Disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3