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TAKE ONE de Wakefield Poole : sexualité reflet

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Produit à la fin des années 1970, Take One de Wakefield Poole voit le réalisateur mêler réalité et fiction. Wakefield Poole a en effet proposé à 8 garçons de tourner pour lui et de réaliser devant sa caméra leurs fantasmes. La caméra les suit en amont du tournage puis lors du tournage de la fameuse scène.

take one wakefield poole

Un jeune homme fait littéralement l’amour à sa voiture dans une vignette pop colorée où chaque partie de l’engin est glorifiée, explorée. Sexy, drôle et très beau visuellement. Deux frères moustachus choisissent eux de passer à l’acte devant la caméra, s’octroyant un trip cuir diablement sensuel. Un modèle pose nu pour Wakefield Poole et se remémore une partie de jambes en l’air dans le désert (le grand air, la sueur des corps, leur reflet dans un miroir aux formes arrondies). Un barman blond minet envisage lui aussi de tourner sa scène et aimerait pour l’occasion réaliser son fantasme d’être dominé. Enfin, deux autres mâles moustachus s’amusent, eux, en toute tendresse dans leur lit.

Il n’y a pas vraiment de scénario mais les surprises ne manquent pas, Wakefield Poole déployant comme à son habitude une mise en scène inspirée. Si le film s’ouvre sur un panneau nous disant qu’il ne faut surtout pas réfléchir face à ce que l’on voit, on ne peut toutefois pas s’en empêcher tant tout ici prête à interprétation, en plus de la contemplation. Que viennent chercher ces hommes qui se laissent filmer ? Le plaisir d’être regardé, c’est certain. Mais ils se cherchent aussi eux-mêmes, à travers leur propre reflet. Le garçon fantasmant sur son automobile avoue espérer voire son double débarquer pour partager son plaisir. La carrosserie luisante de l’engin pourrait lui donner cette illusion. Les deux hommes du désert se reflètent dans la glace. Les deux moustachus au lit se ressemblent beaucoup et les deux autres moustachus sont frères. Le blond qui veut être passif et dominé est lui la plupart du temps actif. L’homosexualité c’est aimer le même sexe, c’est explorer l’autre et s’explorer soi-même aussi en un sens nous rappelle ce film, un des plus explicites de tous ceux qu’a réalisé Wakefield Poole.

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Après le tournage, une projection du métrage a lieu dans un cinéma où viennent tous les acteurs. Pendant la séance, ils s’échappent, pour de vrai ou dans leurs rêves, et se livrent, notamment dans les toilettes, à de folles étreintes. Il s’agit définitivement là du point culminant du film. Ce que l’on voit à l’écran a à priori été vu 100 fois : des hommes qui s’adonnent au plaisir, se livrent à un trio un brin macho, des garçons qui s’amusent à travers le petit mur d’un glory hole…Mais tout est si brillamment filmé qu’on ne peut être que captivé. De mémoire, on n’a jamais vu une scène de glory aussi fiévreuse. Un jeune homme gobe avec frénésie le manche qui sort du trou. Un sexe qui pourrait être celui de n’importe qui, qui pourrait être le sien. Les vas et viens donnent le tournis, les différentes scènes s’enchainent avec une grâce qui laisse sans voix. On trouve de la poésie à tous ces gestes, ces actes sexuels observés, magnifiés. Travail d’artiste.

Film produit en 1977 et trouvable sur le site Pinklabel TV

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3