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THE DANISH GIRL de Tom Hooper : changement et sacrifice

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Années 1930. Einar et Gerda Wegener forment un jeune couple épanoui. Tous les deux peintres, ils partagent les mêmes passions et une complicité précieuse. Si Einar connait un succès plus prononcé, Gerda ne désespère pas d’être à son tour exposée. Un jour, alors que son amie Oola est en retard pour le portrait d’elle qu’elle ambitionnait de réaliser, Gerda demande à son époux de poser pour elle en tenant la robe du modèle féminin. Elle n’imagine pas un instant qu’en faisant cela elle va réveiller chez lui une féminité lourdement enfouie.

Les jours et les semaines qui suivent, Einar a de plus en plus envie de s’habiller en femme. Dans un premier temps, ce goût du travestissement s’établit comme un jeu au sein du couple, qui s’amuse à sortir en soirée mondaine avec un Einar « déguisé » en son double féminin, Lili. Mais progressivement, Gerda comprend qu’il se trame quelque chose de plus sérieux. Einar a caché depuis toujours un certain mal être, une sensation d’être né dans le mauvais corps. L’envie d’être femme devient besoin : Einar fait petit à petit son coming out. Il ne veut plus être un homme et en porter les habits, il veut être « entièrement » Lili. Folle amoureuse, Gerda va tout faire pour l’aider dans sa démarche, quitte à voir l’homme de sa vie lui échapper… 

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Inspiré de l’histoire vraie de Lili Elbe, première personne a avoir tenté une opération de changement de sexe, The Danish Girl est un film hybride qui a de quoi déconcerter. Si on est assez ravi du traitement globalement pudique et respectueux dont bénéficie Einar / Lili, la forme du projet, élégante mais académique, empêche bien des fulgurances. Le réalisateur Tom Hooper n’était sans doute pas le meilleur choix pour cette ambitieuse oeuvre. On ressent à l’écran son tiraillement entre le désir de louer le parcours courageux de Lili et le besoin de ne froisser personne et de respecter les règles du film hollywoodien.

Si certaines scènes emportent par la puissance du jeu des acteurs et une mise en scène qui par moments parvient à se libérer, il manque un je ne sais quoi, un peu d’air tout simplement dans une machine tellement rodée qu’elle finit par provoquer un léger détachement. La première partie est troublante et bien tenue mais la seconde se retrouve, sans doute involontairement, à trop alourdir le personnage de Lili.

The Danish Girl finit ainsi par ressembler davantage au chemin de croix d’une femme amoureuse. Gerda est absolument prête à tout pour le bonheur d’un homme qu’elle aime et qui disparait peu à peu. Elle a besoin d’Einar comme ce dernier a besoin d’être Lili. Si une amitié persiste entre eux, les scènes montrant la souffrance de l’épouse délaissée nous gênent. Il y a là un certain manque d’équilibre, fâcheux puisqu’il finit par présenter Lili comme un personnage un brin égocentrique, insensible à la douleur de celle qui se démène pour son bien-être. Le propos du métrage devient flou, maladroit en même temps que l’intensité faiblit.

En tant que spectateur on est fortement partagé entre une représentation d’un personnage trans dans un film hollywoodien grand public  (ce qui est assez euphorisant) et une forme et un traitement embarrassé. Virant au mélo tire-larmes en fin de course, The Danish Girl parvient à rester assez attachant mais n’est jamais pour autant totalement aimable. Frustrant, en somme.

Film sorti en 2016 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3