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« The Handmaid’s Tale » : la série phénomène à voir absolument
Quand elle a fait son apparition aux Etats-Unis en début d’année, « The Handmaid’s Tale » s’est imposée comme l’un des meilleures et plus grandes surprises de l’année, accompagnée par une critique dithyrambique. Nouvelle adaptation libre du roman de Margaret Atwood, cette fiction dont la saison 1 comporte 10 épisodes nous plonge dans un futur proche, une dystopie, où une ville des Etats-Unis est envahit par le chaos.
Suite à des raisons inconnues (qui pourraient être liées à l’écologie ou à toutes les saletés que l’on mange), de nombreuses femmes et hommes sont devenu(e)s stériles. L’incapacité pour la majorité de se reproduire fait perdre la tête à de de nombreux citoyens. Quand une femme accouche, elle est enviée et peut être submergée par la peur qu’on lui vole son bébé. La délinquance monte en flèche et dans l’ombre des groupes d’extrémistes religieux s’organisent. Selon ces derniers, la société est bien évidemment arrivée à ce stade en raison d’une dégénérescence des moeurs. Des attaques terroristes sont organisées, une armée ultra violente et totalitaire envahit les rues et empêche par le feu toute possibilité de protestation.
Dans ce climat hautement anxiogène, les femmes et les personnes homosexuelles sont les premières victimes. Les premières sont subitement privées de tous leurs droits (plus d’emploi, plus de compte en banque…), les secondes sont envoyées dans des « colonies » équivalent moderne aux camps de concentration. Plus le temps passe et plus les choses vrillent. A terme, seules les femmes de la haute société gardent une relative liberté, acceptant de ne plus vivre qu’à travers leur rôle d’épouse et de maîtresse de maison. Les autres sont contraintes de suivre une violente formation pour devenir des esclaves modernes. Au mieux elles deviennent des Marthas (et acceptent une vie de domestique), au pire elles deviennent des servantes. Les servantes ont toutes en commun d’être fertiles. Une fois par mois elles ont pour obligation de participer à « La cérémonie », un rituel durant lequel elles doivent se donner à l’homme de la maison pour qu’il tente de les enfanter. Pendant cet acte de viol qui ne dit pas son nom, l’épouse est présente et tient la servante pendant qu’elle se fait pénétrer.
La série raconte le parcours de la servante Offred (Elisabeth Moss) qui a perdu de vue dans cette société cauchemardesque son mari, sa petite fille et sa meilleure amie. Elle ignore s’ils sont encore vivants. Nous suivons son quotidien fait de privations et de dévotion contrainte. C’est peu dire que les journées sont pesantes entre une maîtresse de maison qui ne manque pas de sadisme, l’époux de cette dernière, « Le commandant », qui fait partie des pionniers de ce nouveau monde totalitaire, et les rendez-vous réguliers avec la monstrueuse Tante Lydia qui « dresse » ses prisonnières pour en faire des esclaves qu’elle considère ensuite comme des filles de substitution.
Aux brimades du quotidien et à l’hypocrisie omniprésente (ceux qui utilisent la religion pour imposer leur dictature ne se privent pas pour pratiquer l’adultère ou se laisser aller à la perversion) s’opposent les souvenirs d’Offred quand elle s’appelait encore June et était libre. Ces séquences font partie des plus fortes et réflexives de la série car elles nous font frissonner en nous montrant à quel point le danger est là aujourd’hui de retomber dans un climat totalitaire. Les personnages de « The Handmaid’s Tale » n’ont pas voulu voir les signaux d’une montée des extrêmes. Une fois le monstre en place plus rien ne peut l’arrêter et il est trop tard. Les pires actes deviennent légitimes. On pense aux gens de la Manif pour tous, aux cinglés qui manifestent dans la rue pour abolir l’IVG, au succès teinté de racisme du FN….
Si la fiction est féministe, elle est aussi et surtout hautement universelle, brillante en terme d’écriture et de mise en scène (un joli cachet de thriller parano avec une bande-originale ultra intense). Elisabeth Moss, qu’on avait déjà tant aimée dans le rôle de Peggy de la série « Mad Men », nous bluffe une nouvelle fois en embrassant le destin tragique d’une femme intelligente et libre qui doit en permanence ravaler son identité et ses convictions pour tenter de survivre.
Les sentiments ne sont pas exclus de l’intrigue, loin de là. L’intime reste même au premier plan avec des canevas sentimentaux et des relations complexes qui se tissent d’épisode en épisode (comme la très belle relation entre Offred et Nick, l’homme de main du Commandant). Il émane enfin de l’ensemble une profonde envie de crier, de se révolter et de faire attention aux groupes obscurs qui peuvent grandir et s’alimenter dans l’ombre. Face aux ténèbres, « The Handmaid’s Tale » célèbre envers et contre tout le lien invisible qui lie les servantes, cette chose qui fait que quoi qu’on leur fasse il restera toujours une lumière, une force, une vérité.