FICTIONS LGBT

THE PROM de Ryan Murphy : à la recherche de l’empathie

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Nouveau roi des séries à thématique LGBT, Ryan Murphy nous aura gâté en 2020 avec Hollywood, Ratched et The Politician. Le format long-métrage lui irait-il moins bien ? On peut se poser la question : après un remake inutile de The Boys in the Band (qu’il s’était contenté de produire – on conseillera aux curieux de plutôt regarder le film de Friedkin, largement meilleur), il retrouve des années après Glee le genre de la comédie musicale avec The Prom. Et ça n’est hélas pas une grande réussite.

L’histoire est adaptée d’une comédie de Broadway déjà existante qui s’inspirait elle-même librement de faits réels. Nous entrons dans le film en découvrant le personnage de l’actrice diva Dee Dee Allen (Meryl Streep) qui rêve d’un Tony Award et de consécration critique pour son nouveau spectacle où elle est dirigée par son fidèle ami gay Barry (James Corden). Mais dès le soir de la Première, les critiques assassines fusent et le show est parti pour être annulé. Dee Dee et Barry doivent se rendre à l’évidence : ils ne sont pas aimés de la presse qui les trouvent arrogants, coupés de la réalité.

Pour redorer leur blason, ils ont l’idée de trouver une noble cause à soutenir afin de montrer qu’ils peuvent être plus humains et généreux. Angie (Nicole Kidman), une amie de Dee Dee et Barry et actrice qui galère, voit passer sur Twitter une petite affaire qui commence à faire parler d’elle sur les réseaux sociaux : dans l’Indiana, une adolescente, Emma (Jo Ellen Pellman), se voit rejetée par ses camarades et par l’association des parents d’élèves car elle a fait savoir qu’elle comptait se rendre avec sa petite amie au bal de promo. Ne pouvant pas lui interdire formellement l’accès, l’association des parents d’élèves décide de priver tout le monde du bal annuel, ce qui vaut évidemment à Emma d’être rejetée de tous. Elle trouve du réconfort dans les bras de sa petite amie Alyssa (Ariana deBose) qui n’est autre que la fille, lesbienne dans le placard, de la chef des parents d’élèves (Kerry Washington). 

Dee Dee et Barry, accompagnés d’Angie et d’un barman-comédien, Trent (Andrew Rannells), foncent vers l’Indiana pensant qu’avec leur statut de célébrité ils vont permettre de tout faire rentrer dans l’ordre et sauver Emma de ses tourments. Ils comprennent vite qu’ils sont en décalage total avec les habitants de l’Indiana pour qui l’homosexualité reste un tabou et qui ont facilement en horreur leur côté paillette et leur extravagance. Soutenus par le Principal du lycée qui est également un grand admirateur de Dee Dee (Keegan-Michael Key), ils vont essayer de tout mettre en oeuvre pour qu’Emma puisse avoir droit à son bal de promo… et retrouver leur part de bienveillance au passage.

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Le film est sorti fin d’année 2020 juste avant les fêtes et c’était plutôt une bonne idée car présenté comme « un plaisir coupable / Film de Noël », The Prom peut passer pour une petite sucrerie sans prétention, un feel good movie coloré sur la tolérance. Les intentions du projet sont louables et il faut avouer que cela fait plaisir de voir un personnage d’ado lesbienne au premier plan d’une comédie musicale mainstream, chose qui reste très très rare. Aucun doute sur le fait que Ryan Murphy contribue une nouvelle fois à élargir les horizons du grand public et à le sensibiliser de façon ludique sur des problématiques LGBT. On peut se contenter de cela, débrancher son cerveau et passer un agréable moment en profitant du casting de stars et du kitsch. En soit, on ne passe pas un mauvais moment même si c’est un peu long (plus de deux heures quand même). 

D’un point de vue purement artistique et cinématographique, il ne faut clairement pas être exigeant. La caméra a beau multiplier les mouvements, tourner dans tous les sens : cela manque de personnalité, de souffle, d’un vrai regard tout simplement. On a l’impression d’assister à un long épisode spécial de série télé un peu cheap malgré une avalanche de décors et de figurants.

Les numéros de chant et de danse sont inégaux : par moments ils font sourire (quand Meryl Streep témoigne d’un plaisir communicatif dans cet exercice) ou visent juste (quand le personnage de Trent donne une leçon assez réjouissante à des élèves religieux dont il moque l’hypocrisie) et parfois ils tombent tout simplement à plat ou sombrent dans une mièvrerie presque embarrassante.

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Le réel problème du projet vient de l’écriture : tout est extrêmement téléphoné, cliché, prévisible et dégoulinant de bons sentiments. Les personnages sont tous très caricaturaux et prévisibles et malgré la force d’interprétation de tout le casting, il n’y a malheureusement pour les comédiens pas grand chose à défendre. Toutes les « séquences émotions » sont notamment particulièrement ratées, manquant cruellement d’authenticité. Ça fait toc, on n’y croit pas une seconde. 

Si encore une fois le film n’a rien de honteux et donne plutôt envie d’être aimé pour son beau message et ses acteurs qui ont l’air de s’éclater, il fait malheureusement l’effet d’un gros gateau trop sucré et indigeste, bourré de colorants. A vous de voir si vous voudrez en reprendre une part…

Film sorti fin 2020 sur Netflix France

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3