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THE STRANGER IN US de Scott Boswell : quête identitaire à San Francisco

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Anthony (Raphael Barker) a la trentaine et ne sait toujours pas où va sa vie. Il a tout quitté pour s’installer à San Francisco avec Stephen (Scott Cox), l’homme qu’il aime. Mais Stephen, qui officie comme coach personnel, passe son temps à le rabaisser. C’est qu’Anthony est faible : il poursuit son rêve de devenir poète sans réellement parvenir à créer quoi que ce soit, il se dévoue totalement à son compagnon mais accumule les maladresses. Le couple est dans une impasse, d’autant plus que petit à petit, chacun se révèle autodestructeur à sa façon. Anthony ne parvient pas à s’affirmer et se replie sur lui-même, Stephen cède à des excès de colère…

Alors que nous assistons au délitement de cette relation, nous découvrons en parallèle la vie d’Anthony après sa séparation avec Stephen. Triste, errant dans les rues la nuit, il croise le chemin de Gavin (Adam David) , un mineur qui se prostitue pour pouvoir vivre en ville. Alors que leur différence d’âge et de tempérament auraient pu poser problème, contre toute attente Anthony et Gavin vont vivre une histoire d’amitié essentielle…Dans les rues de San Francisco, de nuit comme de jour, la solitude frappe sans crier gare et le pire ennemi de chacun se révèle trop souvent être lui-même…

the stranger in us film gay

Il y a des films qui n’ont pas besoin d’être originaux ou novateurs pour passionner et bouleverser. Modeste et intimiste, The stranger in us en fait partie et avec ses grandes qualités d’écriture et d’interprétation parvient avec peu de choses à faire l’effet d’un coup de poing. San Francisco, la nuit : tout semble possible et en même temps tout est impossible. Pulsions de vie, d’amour, s’entremêlent aux peurs et traumatismes, aux rêves brisés qui paralysent. Déjà vu et aimé dans Shortbus ou Strapped, Raphael Barker tient le rôle principal, d’une vulnérabilité bouleversante. Maladroit, donnant la sensation de constamment s’excuser d’être là, les yeux qui brillent : Anthony est un personnage qu’on oublie pas, que l’on a envie de consoler et de prendre dans ses bras.

Le problème de ce poète en mal d’inspiration est qu’il est définitivement tombé amoureux de la mauvaise personne. Castrateur, manipulateur, autant violent physiquement que psychologiquement, Stephen est une véritable plaie. Contradictoire, il passe son temps à rabaisser son partenaire pour mieux lui déclarer tout son amour 5 minutes plus tard, à l’envoyer balader pour mieux revenir plein de promesses…Le jeu du « fuis-moi je te suis » a ses limites mais Anthony ne semble pas assez fort pour quitter la partie.

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En opposition à une histoire passionnelle destructrice très intense il y a la naissance d’une amitié étonnamment pure alors que rien ne le laissait présager. Aux côtés de Gavin, Anthony trouve un confident, un soutien, quelqu’un qu’il peut aussi aider comme un grand-frère. Mais l’amour comme l’amitié sont faits de fulgurances et de ruptures. Il y a toujours un moment où l’un des deux se fait plus distant ou rompt les habitudes, décide de ne plus penser à deux pour se recentrer sur lui-même.

Le réalisateur Scott Boswell, avec beaucoup de délicatesse et quelques éclats de poésie, parvient tout à fait à retranscrire l’abstraction des sentiments qui nous lient ou nous délient les uns aux autres ou à nous-mêmes, et le spleen qui va avec. D’une grande justesse, les quêtes identitaires des différents protagonistes touchent droit au cœur. Une belle découverte.

Film produit en 2010

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3