FICTIONS LGBT

THOSE PEOPLE de Joey Kuhn : mon ami, mon amour

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Manhattan. Charlie (Jonathan Gordon), jeune peintre gay, articule toute sa vie autour de son meilleur ami richissime Sebastian (Jason Ralph). Ils sont au centre d’une bande de jeunes gens huppés dont l’avenir semble plein de promesses. Mais suite à une fraude qui fait scandale, le père de Sebastian est incarcéré et la situation privilégiée du golden boy remise en cause. Le tout New York en a après lui.

En cette période tourmentée, Sebastian peut encore et toujours compter sur Charlie, dont il sait qu’il est secrètement amoureux de lui mais fait mine de ne pas s’en apercevoir. Quand il propose à ce dernier d’emménager avec lui, le peintre amoureux transi quitte pour la première fois le cocon familial. Mais ne vivre qu’à travers un amour impossible le ronge petit à petit.

Tout bascule alors que Charlie fait la connaissance de Tim (Haaz Sleiman), un homme plus âgé, pianiste classique libanais débordant de charme. Alors que Tim tombe amoureux, il fait comprendre à Charlie qu’il va devoir faire un choix : leur relation ne pourra s’épanouir tant qu’il restera prisonnier de son lien particulier et passionnel à Sebastian…

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Premier long-métrage du réalisateur Joey Kuhn, « Those People » a été primé dans plusieurs festivals LGBT à travers le monde. Le spectateur est propulsé dans un Manhattan huppé et intemporel où un triangle amoureux se dessine peu à peu. La mise en scène, feutrée, très élégante, impose une atmosphère entre glamour et mélancolie. Derrière la beauté, des névroses, des pères absents et destructeurs, des sentiments aussi complexes que refoulés.

Au centre du métrage, la relation d’amitié fusionelle entre Charlie et Sebastian. Ils sont inséparables, se complètent à merveille (Sebastian est plein d’assurance et de folie; Charlie est plus inhibé et raisonnable). Mais si Sebastian considère son meilleur ami comme un petit frère sur lequel il aime avoir une emprise, Charlie ne rêve que de transformer leur relation ultra complice en histoire d’amour. Le désir n’étant pas partagé, les choses se dégradent petit à petit. Avec une écriture fine et sensible, Joey Kuhn explore les sentiments des deux garçons sans nécessairement prendre parti. Il eut été facile de faire de l’arrogant Sebastian un pervers narcissique. Mais le personnage, plus riche et torturé qu’il n’y parait, est plein de nuances. Si Charlie est dépendant à lui, Sebastian l’est tout autant : seule la présence et le regard tendre de son ami lui permettent de ne pas se sentir comme l’ordure à laquelle tout le monde veut l’assimiler. Mais comment garder intact ce lien quand l’un des deux est fou amoureux ?

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Les choses se corsent quand un autre garçon entre dans la danse. Tim est un homme bon, apaisant, qui sort Charlie de sa routine et ses obsessions pour l’amener à s’émanciper et aimer autrement. Mais impossible de laisser en arrière-plan Sebastian, qui revient toujours d’une façon ou d’une autre au premier plan, comme une chanson entêtante. L’intrigue est moins prévisible que ce à quoi on pouvait s’attendre et dessine des protagonistes qui se laissent consumer puis tentent de composer, d’apprivoiser des sentiments intenses. L’amour est ici sondé sous toutes ses formes (lien filial, amitié, couple) et l’entrée dans l’âge adulte des protagonistes les contraindra à devoir faire pour la première fois des choix qui les changeront à jamais.

Extrêmement attachant, « Those People » est aussi et surtout un film qui joue sur les sensations entre passages sensuels et frustrations diverses. On est plus que jamais aux côtés de ces garçons amoureux et vibrants, aux fêlures universelles. Une très belle surprise.

Produit en 2015. Visible sur Netflix France.

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3