FICTIONS LGBT
TOUT N’EST PAS ROSE (Azul y no tan rosade) de Miguel Ferrari : s’affirmer
Caracas. Diego (Guillermo Garcia), photographe très demandé, mène une vie exaltante. Il a à peu près tout pour être heureux : réussite professionnelle et vie sentimentale stable. Il est en effet en couple depuis plusieurs années avec Fabrizio (Socrates Serrano), un charmant médecin qui aimerait qu’il s’engage davantage dans leur relation. Alors qu’il s’apprête à faire sa demande en mariage, Diego doit composer avec un événement de taille : l’irruption dans son quotidien de son fils Armando (Ignacio Montes). Un fils qu’il a eu très jeune, quand il n’assumait pas encore son homosexualité, et qu’il a peu à peu délaissé. La mère avait quitté le Venezuela pour l’Espagne, espérant donner à son enfant des chances plus grandes de réussir dans la vie.
Après 5 années sans être en contact, les retrouvailles entre le père et le fils ne sont pas évidentes d’autant plus quand ce dernier découvre que son paternel est gay. Tentant avec plus ou moins de succès de se rapprocher à nouveau de celui qui est devenu un adolescent, Diego doit affronter dans le même temps un terrible drame : son compagnon a été sauvagement agressé par des homophobes et est plongé dans le coma. Cette épreuve difficile va être l’occasion pour lui et Armando de parler à cœur ouvert…
Il est assez rare de trouver un film vénézuélien abordant des thématiques LGBT. C’est le cas de Tout n’est pas rose (Azul y no tan rosa en VO / My straight son pour son titre international), lauréat d’un Goya du meilleur film étranger, qui bénéficie d’une jolie production et d’une mise en image soignée et colorée malgré des sujets sensibles, parfois difficiles. Au cœur du film, il y a la relation entre un père homo et son fils hétéro. Pas évident pour Diego de se faire respecter ou comprendre, lui qui a plutôt été un mauvais père ces dernières années. Alors qu’il essaie de faire un effort, d’être moins lâche et de davantage se consacrer aux autres, tous les éléments semblent se liguer contre lui. Profondément affecté par l’agression de son petit ami avec qui il se voyait faire sa vie, se sentant impuissant face aux autorités qui ne prennent pas assez l’affaire au sérieux et s’apprêtent à relâcher l’agresseur, mis de côté par la famille de son amoureux qui le tient presque pour responsable de son état proche de la mort : il y a de quoi être à fleur de peau. La présence de son fils va l’aider à tenir bon. Alors que les plus rudes et violentes épreuves de la vie le submergent il peut se raccrocher à ce lien filial fragile, en pleine renaissance.
S’il est très sensible et opte volontiers pour une rafale de bons sentiments, jouant de façon décomplexée avec les codes du mélodrame, ce long-métrage aborde avec une belle sincérité des thèmes universels comme le rejet des minorités, la violence banalisée du quotidien, la recherche du mieux vivre ensemble. Dehors rodent des homophobes, des personnes intolérantes ou agressives mais il reste toujours de l’espoir, une famille ou des amis sur qui l’on peut s’appuyer pour s’accepter davantage, survivre. Le réalisateur Miguel Ferrari parle aussi bien des gays, de l’homophobie persistante au Vénézuela que de des trans et de la transphobie, de la violence domestique, du poids des apparences pour les jeunes générations. Chacun essaie d’avancer, de se battre, de s’affirmer en dépit des nombreux obstacles qui rendent la route de la vie parfois exténuante ou décourageante.
Elégant et généreux, le film s’appuie sur des personnages attachants tour à tour vulnérables ou battants. Il émane de l’ensemble quelque chose d’humaniste et de très doux. Une œuvre apte à toucher le plus grand nombre et rondement menée.
Film produit en 2014 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen