FICTIONS LGBT

TUMBLEDOWN de Todd Verow : rendez-vous à 3 et fait divers

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Maine. Rick (Brad Hallowell) travaille de nuit comme barman dans un petit club gay. Séduisant, il refuse de s’attacher et préfère s’amuser au détour de diverses expériences souvent anonymes.

Un soir, un client, Jay (Todd Verow), âgé d’une bonne quarantaine d’années, lui fait la conversation et l’introduit à son petit ami, Mike (Brett Faulkner), plus jeune. Ils lui achètent des substances et sympathisent avec lui. Ainsi, Rick répond favorablement à leur invitation pour les rejoindre le temps d’un week end dans une petite maison près des montagnes de Tumbledown.

Une fois sur place, le barman se rapproche de Nick, jeune homme paumé et addict, sensible, qui lui fait comprendre qu’il est en « relation ouverte » avec son compagnon Jay. Ce dernier voit, envieux, les deux garçons se rapprocher physiquement.

De ce week end de plaisir découleront plusieurs événements pour le moins dramatiques et pour lesquels chacun des trois protagonistes aura une version des faits différente…

Todd Verow signe ici une œuvre aussi noire que sauvage. Adaptation d’un obscur fait divers, Tumbledown, divisé en trois parties distinctes, se plaît à brouiller les pistes et à laisser le spectateur face à ses propres peurs. Rick, beau brun insouciant, se retrouve plus ou moins malgré lui au milieu d’un couple gay assez étrange. Jay est un homme d’âge mur, bien conservé, offensif. Nick est un jeune désaxé, camé, fragile. C’est vers ce dernier, sans grande surprise, que va le barman. On sent la frustration de Jay de ne pouvoir transformer le duo en réel trio. Après un week end durant lequel son compagnon et l’invité ont passé la majeure partie de leur temps à s’isoler et s’amuser, Jay renouvelle pourtant l’invitation. Rick revient avec plaisir, à la fois pour s’offrir du bon temps avec Nick mais aussi dans l’espoir de lui vendre à nouveau des substances. Mais une fois sur place, il réalise que Nick n’est pas là. Jay lui offre à boire. Une boisson dans laquelle il a mis quelque chose. Rick se réveille le lendemain, dénudé à côté de Jay. Quelques semaines plus tard, il reçoit une vidéo de la part de ce dernier. Les images le montrent, inconscient, en train d’être abusé. Après un dépistage, le couperet tombe : Jay lui a transmis le VIH. Un véritable scénario cauchemar.

Que s’est-il réellement passé ? Qui est le coupable et qui est la victime ? Les choses ne sont pas aussi simples que ça, chacun ayant sa triste part de responsabilité et chaque personnage exprimant son point de vue, avec des divergences de récit plus ou moins crédibles. La fin laisse le spectateur libre de se faire sa propre opinion, de voir ce qu’il veut bien comprendre ou non. Excitation et danger du sexe clandestin, la frustration qui amène à commettre l’irréparable, le désir et la mort…

Le réalisateur dresse un portrait intimiste de trois garçons perdus, chacun à leur façon, sur fond de thriller psychologique et charnel. Si une fois de plus Todd Verow livre un film underground monté avec très peu de moyens et un son parfois artisanal (les conversations téléphoniques), son Tumbledown parvient bien à poser une atmosphère angoissante (la scène d’abus, filmée en temps réel, marque au fer rouge et est l’un des moments de cinéma les plus dérangeants vus depuis un bon moment). Et on retrouve toujours le ton singulier d’un cinéaste qui filme avec une brutalité et une sensibilité peu communes les gays en marge de la société. Assurément pas tous publics, mais c’est ce qui en fait son charme.

Film produit en 2013 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3