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UN AÑO SIN AMOR de Anahi Berneri : solitude, maladie et soumission

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Argentine, 1996. Pablo est un jeune poète séropositif. Il vit avec sa tante qui a quelques problèmes psychologiques. Professeur de français occasionnel, le trentenaire est en train d’écrire un nouveau roman sous la forme d’un journal intime. Un journal intime où il raconte son quotidien de séropo, la maladie, mais aussi ses expériences sexuelles. Ne trouvant pas de compagnon, Pablo s’oublie dans des parenthèses sexuelles parfois extrêmes. Il est attiré depuis le plus jeune âge par le cuir et il se rend fréquemment dans des bars SM. Il devient ainsi l’esclave particulier d’un certain « Sheriff » et croise lors d’une soirée un dominateur qui lui tape dans l’œil. Légèrement amoureux sans même le connaître, Pablo aimerait devenir l’un de ses soumis. Mais peut-on aimer dans ce contexte ? Entre solitude urbaine, expériences sulfureuses, quête de l’autre et de soi, le quotidien sensible et réaliste d’un garçon perdu…

un ano sin amor film

Adapté de l’œuvre éponyme et autobiographique de Pablo Perez (qui a participé au scénario), Un año sin amor est un film qui ne manquera pas de provoquer des réactions passionnées. Car il aborde deux sujets possiblement sensibles mis côte-à-côte : le VIH et le sado-masochisme. Le réalisateur Anahi Berneri trouve le bon ton et délivre une œuvre extrêmement puissante, toujours à bonne distance, dépeignant la réalité telle qu’elle est sans jamais sombrer dans le trop explicite ou le glauque. On a aucune envie de juger Pablo, au contraire on a une véritable empathie pour lui, on s’attache à lui car la caméra nous fait entrer , de façon très intime, dans son quotidien.

C’est un film de sensations. Des sensations très différentes. Se sentir seul dans sa chambre, malade comme un chien, avec la mort qui nous pend au nez. L’excitation d’une nouvelle rencontre. Le plaisir trouvé dans une sexualité qu’on ne peut pas facilement évoquer. La passion de l’écriture, l’oubli de soi…La réalisation est assez belle même si la photographie colle bien à ce qui est raconté (relativement peu de couleurs, atmosphère sombre, un peu grise mais avec quelques passages plus lumineux, sensuels).

Un año sin amor fait partie de ces longs-métrages qui nous entraînent dans des univers inconnus, qui intriguent et surprennent à chaque plan sans jamais pourtant chercher à donner dans le sensationnalisme, à être racoleur.

Profondément intime, subtil, étonnamment tendre, tour à tour romantique ou sensuel (et à chaque fois quand on ne s’y attend pas) cette œuvre fait partie de ces petits films restés confidentiels mais qui ont tout des grands. Regard d’une justesse inouïe, interprétation sans faille, émotions à la fois toute en retenue et pourtant provoquant après coup de véritables bouleversements… On en ressort chamboulé, touché. Une pépite à (re)découvrir.

Film sorti en 2006 / Disponible en DVD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3