CINEMA

UN MONDE SANS FEMMES de Guillaume Brac : le temps des vacances

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Ault, village de la côte picarde, l’été. Patricia (Laure Calamy), mère célibataire, et son adolescente de fille Juliette (Constance Rousseau) viennent pour les vacances et sont accueillies à bras ouverts par Sylvain (Vincent Macaigne), un homme sensible et particulièrement maladroit.

Rapidement, ce dernier s’attache aux deux femmes. Il s’amourache de Patricia qui lui fait l’air de rien du rentre dedans (avant de le repousser paradoxalement, ce qui a le don de le désorienter encore plus qu’il ne l’est à la base) et s’impose comme un ami, voire un père de substitution pour Juliette.

Les beaux moments laissent progressivement la place à l’incertitude et quand un gendarme du coin et ami de Sylvain se met en tête de séduire Patricia (par facilité car la petite Juliette qu’il avait davantage remarquée lui semble hors de portée), l’insouciance s’évapore pour laisser place à une certaine douleur…Dépassé par tout, incapable de s’affirmer et de séduire, Sylvain se prend une belle claque. Mais tout n’est peut-être pas perdu…

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Après le court-métrage Le naufragé (auquel ce film était couplé pour sa sortie en salles) nous retrouvons Vincent Macaigne et son personnage de Sylvain dans Un monde sans femmes. Le réalisateur Guillaume Brac s’impose comme un digne héritier de cinéastes comme Rohmer ou Rozier et nous ramène à un cinéma français dédié tout entier à ses personnages, aux sentiments, au dialogue, à l’intime. L’intrigue d’Un monde sans femmes est d’une simplicité désarmante, traite de choses que l’on a souvent pu voir au cinéma mais qu’importe : la difficulté d’aimer, de s’aimer, de se respecter, de composer avec les autres sont des préoccupations, des thèmes universels qui ne lassent jamais et qui sont ici traités avec une irrésistible délicatesse.

Nous sommes donc face à trois personnages qui passionnent car on se retrouve en eux ou on retrouve des gens que l’on connaît, qu’on a connu. Sylvain ne sait pas comment se tenir, ne sait pas danser, ne sait pas draguer. Quand il veut faire un pas vers Patricia, il lui prend maladroitement la main, il n’ose pas exprimer son désir. Il donne la sensation permanente de s’excuser d’être là, comme s’il s’était persuadé que le bonheur n’était pas pour lui mais qu’il tentait le coup, dans un dernier élan d’espoir. Impossible de ne pas être touché, attendri, par cet homme visiblement à vif, cette boule d’émotion, qui essaie maladroitement des polos au marché et qui est le premier surpris quand on lui dit que quelque chose lui va bien.

Les deux autres personnages principaux sont la mère et la fille, Patricia et Juliette. Patricia est une femme pétillante et joueuse, à la fois lucide sur la vie et incapable de faire les choses dans le bon sens. Elle envoie des signaux contradictoires à Sylvain, trouve le gendarme qui lui fait du rentre dedans désolant avant pourtant de le préférer à celui qui l’aime vraiment. Insouciante  et immature, ne réalisant pas le mal qu’elle cause et que potentiellement elle se fait à elle-même, Patricia est prise dans un cercle vicieux dont elle ne semble pas apte à se défaire. Sa fille Juliette (incarnée par la très gracieuse Constance Rousseau, déjà vue et aimée dans Tout est pardonné de Mia Hansen-Love) reste pour sa part discrète, silencieuse. Elle observe. De petits indices nous font comprendre qu’elle se prend d’affection pour Sylvain et que l’attitude de sa mère vis à vis de lui la met profondément mal à l’aise.

La veille de leur départ, alors que visiblement Patricia a déjà tiré un trait sur Sylvain, Juliette décide de lui rendre visite pour lui dire au revoir. La pureté de la jeunesse qui caractérise cette jolie jeune fille (cet ange, serait-on tentés de dire) va s’avérer être un pansement ou plus encore un cadeau du ciel pour Sylvain, jusqu’alors au plus bas. De quoi donner à Un monde sans femmes un final à la fois doux, apaisant et triste. On sort du film avec une sensation de retour de vacances. A la fois heureux, pleins de beaux souvenirs et triste de retrouver le quotidien. Avec ses airs de petit film, le moyen-métrage de Guillaume Brac émeut, bouleverse comme les grands et laisse une réelle empreinte.

Film sorti en 2012 et disponible en DVD

 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3