FICTIONS LGBT

UN PRINTEMPS À HONG KONG, film de Ray Yeung : séniors gays en Chine

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Troisième long-métrage du réalisateur gay chinois Ray Yeung, Un printemps à Hong Kong raconte la rencontre de deux séniors gays. Un portrait pudique et sensible sur la difficulté persistante de s’accepter quand on vit en Chine aujourd’hui et que l’on fait qui plus est face au vieillissement. 

Pak (Tai-Bo) est chauffeur de taxi. Il a l’âge de prendre sa retraite mais continue de travailler pour s’occuper et rentrer un peu d’argent. Il veille à prendre soin de sa famille, de son épouse et de sa fille dont la relation de plus en plus officielle avec un garçon plus jeune et fauché n’est pas vraiment pour plaire à sa mère. Homme sans histoire, Pak mène une forme de double vie. Il a caché pendant toute son existence son homosexualité à ses proches. Il se rend de temps en temps dans des toilettes de la ville connus pour permettre de faire des rencontres en mode cruising gay anonyme. C’est là qu’un jour il croise le chemin de Hoi (Ben Yuen). 

Hoi est retraité et vit seul. Comme Pak, il s’était marié à une femme et a fondé une famille mais il a fini par prendre ses distances. S’il ne s’assume toujours pas auprès de sa famille, gardant son homosexualité secrète, il se rend régulièrement dans des lieux de convivialité gay comme un sauna local ou une association militante. 

Quand Pak aborde Hoi dans les toilettes, il est un peu brusque. Hoi s’en va. Ils se retrouvent dans un parc et vont finalement faire connaissance. Pour Pak, c’est la première fois qu’il ose se lier réellement à un homme, laisser sa tendresse s’exprimer, son homosexualité se matérialiser en quelque sorte. Il y a de la romance dans l’air mais si Hoi ne demanderait qu’à couler de vieux jours heureux avec celui qu’il rêverait de voir devenir son compagnon il a bien conscience que ce qu’il vit reste une liaison, aussi intense soit-elle, avec un homme marié. L’amour ne durera-t-il qu’un Printemps ? 

un printemps à hong kong film
un printemps à hong kong film

Avec ce film sensible et délicat, à l’évidence bien documenté, le réalisateur Ray Yeung aborde deux sujets intéressants : l’acceptation encore difficile de l’homosexualité en Chine et « le quatrième âge gay ». Mine de rien les longs-métrages sur des personnages gays séniors restent encore peu nombreux et il est appréciable de suivre cette romance pudique entre deux hommes ordinaires qui sont à un stade de leur vie où il est temps de se reposer, s’apaiser et de profiter de ce qu’il reste à prendre. Mais quand on a passé toute sa vie à se fondre dans un moule qui ne colle pas à sa réelle identité, la chose s’avère complexe. 

Pak et Hoi, à des niveaux différents, sont bloqués par le poids de la tradition et par la perception d’eux qu’a leur famille. Le réalisateur montre à quel point il est difficile pour les hommes gays chinois de s’affirmer. Certains font partie d’une association, aimeraient avoir des revendications, militer pour l’ouverture d’une maison de retraite LGBT mais quand il s’agit de prendre la parole, tout le monde botte en touche car personne n’a envie d’afficher publiquement son homosexualité. Le regards des autres, le poids de la société, pèsent lourd et cadenassent. 

un printemps à hong kong film
un printemps à hong kong film

Hoi se sent retenu par un fils assez intransigeant. Pak a une situation encore plus compliquée car il partage encore son lit avec son épouse. Comment quitter ,alors que la fin de vie se profile doucement, la personne avec qui on a construit tout son quotidien et sa famille ? Peut-on seulement songer à révéler à ces proches qui nous assignent à une certaine image et rôle depuis des décennies que l’on n’est pas celui que l’on prétend être ? Avec ce cadre, la belle relation entre les deux hommes ne manque pas d’obstacles. 

Entre déambulations dans Hong-Kong (ses rues, ses marchés, ses parcs mais aussi ses lieux gays ouverts aux séniors pas très « out »), moments volés d’intimité entre hommes et scènes de la vie familiale, Un Printemps à Hong-Kong dresse une peinture mélancolique de deux hommes tiraillés entre ce dont ils sont passés à côté, ce que leur « fausse vie » a pu leur apporter de positif (le calme, les enfants notamment) et la tentation de repartir de zéro. Une oeuvre intimiste qui aborde des thèmes profonds avec réalisme. 

Film sorti en 2021 au cinéma et disponible en DVD aux éditions Epicentre et en VOD 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3