MULTIPOP

VINGT-CINQ de Bryan Marciano : âge compliqué

By  | 

Curieux phénomène : les films français qui traitent des jeunes d’une vingtaine d’années ont presque toujours du mal à trouver leur public en salles. Comme si cet âge n’avait pas sa place dans la fiction. En comparaison aux films sur l’adolescence, sur les trentenaires ou les quadras, les fictions sur cette tranche d’âge restent donc rares et c’est bien dommage car c’est une période de la vie captivante. C’est en effet quand on a vint-cinq ans que l’on se retrouve à devoir faire les premiers choix cruciaux de sa vie aussi bien affectivement que professionnellement.

Si le grand écran ne nous a pas encore servi LE film générationnel que l’on attendait, c’est une série qui nous réjouit ici et révèle un jeune auteur particulièrement doué. Avec Vingt-Cinq, le français Bryan Marciano raconte avec beaucoup d’humour et de sensibilité cette phase très étrange et pleine de pressions où l’on essaie de construire et lors duquel on peut aussi vite se retrouver anéanti.

vingt-cinq bryan marciano

Bryan Marciano fait office de réalisateur, de scénariste et d’acteur principal, portant à bout de bras ce projet à l’écriture très bien sentie et sondant au passage la masculinité d’aujourd’hui à travers une bande de potes pour le moins largués.

Tout commence alors que le (trop) gentil Jeremy (Bryan Marciano) qui pensait sa vie toute tracée avec sa copine Julie (Léa Millet) se fait quitter par elle. Julie était toute sa vie et il se retrouve du jour au lendemain seul, sans amour et sans projet. Il s’était en effet complètement reposé sur sa moitié et n’a plus qu’un vague projet de livre médiéval foireux dans les poches. Complètement affaibli et déprimé, ce garçon qui a tendance à tout sur-analyser (un côté très Dawson pour le coup) peut au moins compter sur le soutien de sa bande d’amis garçons. Sauf qu’eux non plus ne sont pas vraiment au top.

A l’extrême opposé de Jeremy qui n’a plus rien, il y a Adrien (Pablo Pauly, qu’on avait pu découvrir dans le film « Patients »). Il vient d’acheter un appartement en banlieue, travaille dans un bureau et annonce son mariage avec sa copine Sophie (Esther Garrel). Sauf que contrairement aux apparences, ce garçon qui a voulu tout faire trop vite ne va pas bien du tout mais le cache. Le pétage de plomb n’est pas loin.

Entre les deux, il y a Alex (Alexandre Boublil) qui se rêve en nouveau Mark Zuckerberg et a un nouveau projet d’entrepreneuriat par jour. Créativement agité mais peu pragmatique le garçon squatte l’appartement d’une femme plus âgée ou celui de sa mère qui n’en peut plus de voir son fils toujours aussi instable.

Il y a enfin Jonas, qui vient d’un milieu plus aisé et qui glande sans son grand appartement tout seul. Il prétend enchaîner les conquêtes en les séduisant étrangement avec des parties de jeux de société. Sauf que le garçon a surtout l’air de refouler son homosexualité.

vingt-cinq bryan marciano vingt-cinq bryan marciano

Ce carré de personnages masculins va se confronter à ses travers et aux différents murs de la vie et de la société le long de 12 épisodes très pêchus qui se situent constamment entre drôlerie et pathétique. La série de Bryan Marciano regarde ses personnages droit dans les yeux, s’amuse de leurs faiblesses et enlace leurs incertitudes. Les situations qui sentent le vécu s’enchainent et finissent par former un ensemble aussi touchant que jubilatoire.

C’est quelque chose dont on parle peu mais quand on a vingt-cinq ans on est encore jeune mais on se sent obligé quelque part de devenir un adulte, de commencer à prendre ses responsabilités. On est supposé avoir achevé ses études, on doit trouver un travail (sans toujours être sûr de savoir ce que l’on veut faire ou si le chemin qu’on a commencé à emprunter est le bon), on veut essayer de se poser avec quelqu’un (mais à l’heure des applications de drague et des plans culs généralisés, de cette envie de « profiter » toujours plus de la vie, peu de personnes sont prêtes à réellement s’engager sans être prise de vertige).

Joliment mise en scène (déployant notamment une jolie atmosphère parisienne nocturne qui sonde la solitude de son jeune anti-héros), s’appuyant sur une bande de jeunes comédiens formidables, Vingt-Cinq brille avant tout de par son écriture qui s’amuse de l’incongru, raconte des choses universelles à travers des dialogues réjouissants. Et si elle est l’occasion de tirer le portrait de garçons bien d’aujourd’hui et de ces drôles de pressions qu’ils peuvent se mettre sur leurs épaules, elle dessine aussi de beaux personnages féminins (la patiente Sophie, l’indécise Julie, la spontanée Nina ou la très drôle et en roue libre Laetitia).

Réussissant à signer une comédie vraiment drôle et qui ne cède jamais à la facilité et évite les écueils de la vulgarité tout en partageant les questions existentielles souvent minimisées des vingtenaires (un bel âge bien compliqué), cette série est définitivement la grande bonne surprise française de cette fin d’année.

Vingt-Cinq a été diffusée sur OCS et est disponible via l’offre Mycanal (l’offre cinéma et séries de Canal + qui est accessible via la TV ou en ligne)

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3