FICTIONS LGBT

Y CROIRE ENCORE (Dream on) de Lloyd Eyre Morgan : rêve brisé

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Eté 1988. Paul (Bradley Cross) et sa mère (Janet Bamford), originaires d’une bourgade de Rochdale, partent en vacances dans un petit camping du Pays de Galles. Le lieu est loin d’être idyllique (il n’y a qu’un seul magasin et un pub, la campagne est on ne peut plus ordinaire) mais pour Paul c’est déjà la grande évasion. Très taciturne, renfermé sur lui-même, le jeune homme qui approche doucement de sa majorité n’a jamais vraiment bougé de chez lui ou vécu la moindre chose. Il ne se consacre qu’à sa mère qui le vampirise et dont les errances sentimentales commencent à le fatiguer.

A peine arrivé au camping, le garçon fait la connaissance de Angharad (Emily Spowage), fille du propriétaire qui passe son temps à coucher avec tous les hommes qui passent, mais aussi et surtout de George (Joe Gosling), lui aussi en vacances. Paul et George ont le même âge et malgré leurs différences (George est extraverti, a une personnalité affirmée et n’hésite jamais à faire des bêtises) ils deviennent tout de suite amis. Paul s’attache profondément à son nouveau camarade qui attend désespérément que son alcoolique de père vienne le rejoindre. Alors que les vacances s’achèvent, après une série de moments inoubliables passés ensemble, les deux camarades se rapprochent et s’embrassent. George propose à Paul de le retrouver au même lieu l’année suivante et de partir avec lui, de tout quitter pour aller vivre à deux en Australie. Porté par ce projet et cette promesse d’un premier amour, Paul travaille les mois qui suivent, économise et compte les jours des retrouvailles. Mais quand il revient au camping le jour du rendez-vous fatidique, George n’est pas là…

y croire encore film

Premier long-métrage de Lloyd Eyre-Morgan, Y croire encore (Dream on en VO) est un drôle d’objet. Le film est fauché, se passe en grande partie au coeur d’un camping cheap, est filmé de façon maladroite et appuyé par une musique assez lourdingue. Clairement la forme fait défaut au projet qui ne manque pourtant pas d’ambition et de qualités sur le papier. Malgré sa relative laideur, cette première oeuvre un rien tire-larmes réussit progressivement à déployer son univers. Nous retournons en 1988 où l’on parle de Margaret Thatcher à la radio, où une « maladie des gays » est en train de se répandre, où l’on écoute de la musique au Walkman ou avec sa grande stéréo… Le réalisateur s’attarde sur une série de personnages bouseux, des marginaux malgré eux qui aspirent à un ailleurs sans être certain de pouvoir ne serait-ce que frôler leurs rêves.

Le métrage peut se scinder en deux parties. Tout d’abord celle des premières vacances qui marquent la rencontre de Paul et George. Le premier est à ce moment-là ultra réservé, presque autiste. Grâce à George, plein de rêves et de fougue, il trouve son premier ami et son premier amour. Ce dernier lui donne l’envie de croire davantage en lui, d’oser faire face à sa mère ultra possessive et tyrannique. Au camping il y a aussi Angharad, fille du proprio, très pimbêche dans un premier temps. La deuxième partie correspond aux retrouvailles manquées entre les deux garçons : George n’honore pas sa promesse, Paul trouve un soutien amical inattendu auprès d’Angharad qui va l’accompagner pour partir à la recherche de son bien-aimé à Londres. Là, Paul retrouve un George métamorphosé, brisé par la vie, par son père alcoolique qui a anéanti tous ses espoirs et son assurance. Il n’est plus qu’un déchet qui ne veut plus croire en rien et qui se met à boire en permanence comme pour reproduire une sorte de malédiction. Malgré ce portrait peu glorieux, Paul, fou amoureux, va s’accrocher et se mettre en tête de sauver George, voulant à tout prix, comme le titre français du film l’indique « Y croire encore ». Quand la magie et l’innocence d’un premier amour se transforme en une passion destructrice…

Si la mise en image peut rebuter, le scénario ne manque ni de charme ni d’émotions et les comédiens, pour la plupart amateurs, s’en sortent avec les honneurs. En filigrane se dessine une histoire d’amour pure et tragique entre deux garçons contraires. Le regard tour à tour fataliste et humaniste de l’auteur sur sa galerie de personnages à fleur de peau donne envie d’aimer ce film fragile en dépit de ses défauts…

Film produit en 2013 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen 

 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3