EP

Yanis, EP « Solo » : pop « Loud & Proud »

By  | 

Suivre ses envies, ce qui nous semble juste, bon pour nous, écouter son corps, son coeur, son instinct, être fidèle à qui l’on est. Cela peut paraître banal mais c’est souvent moins facile qu’on ne le pense et d’autant plus quand on évolue dans l’industrie de la musique. 

Les langues se sont beaucoup déliées ces dernières années, beaucoup d’artistes (essentiellement des artistes femmes) ont pris la parole pour dénoncer une industrie parasitée par des producteurs et autres managers à côté de la plaque, dénaturalisant l’essence des projets musicaux, donnant de faux bons conseils, s’attaquant par moments directement aux physiques ou aux personnalités des chanteurs et chanteuses de leurs équipes. Le formatage est encore amplement en vigueur, notamment chez les grosses majors de l’industrie. Mais ce qui a changé, c’est qu’aujourd’hui beaucoup d’artistes indépendant.e.s réussissent à bâtir leur propre communauté, porté.e.s par leur sincérité, leur authenticité, leur talent, sans compromis. Qu’on aime ou pas la personne ou sa musique, Yseult est par exemple l’éclatant exemple d’une artiste qui a pris sa revanche et qui connait aujourd’hui un grand succès en ayant pris ses distances avec une industrie qui à ses débuts a constamment cherché à la brider, la changer, lui reprocher ce qui pourtant pouvait faire sa force et toucher profondément un large public. 

S’ils s’accrochent à leur petit pouvoir, les producteurs qui se permettent de dire à des femmes qu’elles sont trop grosses, trop vieilles, pas assez dans le coup ou qui conseillent à des artistes LGBTQI+ de taire leur orientation, leur personnalité, d’être moins « si » ou moins « ça », n’ont plus autant de pouvoir qu’avant et la force de frappe d’Internet, des réseaux sociaux, des festivals et autres tremplins live permettent à des personnalités « hors formatage » d’éclore, de dessiner leur propre route. Car au final pour un.e artiste, ce qui compte avant tout ce n’est pas de remplir des stades et d’être riche et célèbre mais de se sentir intègre, vrai.e, en phase avec soi-même. 

Ce gros préambule colle parfaitement à l’itinéraire de Yanis (ex Sliimy) qui en a vu de toutes les couleurs avant de s’affirmer et de renaître. Il lui a fallu du temps pour se poser, créer, savoir où aller et prendre de la hauteur par rapport à un système souvent absurde. Aujourd’hui Yanis est là, trans, non-binaire, peut-être inclassable pour certains et c’est tant mieux et c’est trop bien.

Au-delà de sa personnalité qui fait grandement plaisir à voir sur une scène française qui manque encore de « rainbow force », Yanis c’est avant tout de la bonne et belle musique. Pour preuve, son premier EP, Solo (réalisé en totale indépendance). Solo c’était le titre de son magnifique single chanté en français, ballade déchirante inspirée par le rejet de son père face à sa différence. Ce Solo résonne fort pour beaucoup de LGBTQI+ et au-delà : car on s’est tous et toutes un jour senti Solo, pas dans le moule, rejeté.e par quelqu’un ou quelque chose. On a tous une différence, une bizarrerie, une folie, un truc « pas normal ». C’est en grandissant qu’on réalise que personne n’est normal, que la folie peut être douce et créative et que la bizarrerie c’est tout bêtement la même chose qu’être original.e et que c’est un superbe atout. Chanté avec les tripes, d’une intensité rare, Solo est une chanson aux allures d’hymne qui se bonifie au fil des écoutes. 

Des moments pas faciles, il y en a eu pour Yanis et son EP contient un réel parfum de mélancolie. Outre Solo, deux autres ballades : celle en piano-voix, Unsteady, et celle plus atmosphérique et très joliment produite, Fantasy (avec Shivum Sharma). La voix de Yanis s’impose, puissante, n’ayant pas peur de la mise à nu. En opposition à ces émotions fortes qui peuvent mouiller les yeux, deux bombes dansantes qui ont toute l’énergie de la nuit et des clubs : Grace (qu’on avait adoré et qui se dévoile ici dans une version avec des couplets en français très cool)  et SMTH. Une façon pour Yanis de briser toutes les chaînes et de montrer que peu importe les douleurs et les épreuves il n’appartient qu’à nous de reprendre possession des choses et de nous-mêmes, de danser, de briller. Un EP « Loud & Proud » fort, émouvant, emballant. 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3