CINEMA
9 SEMAINES 1/2 de Adrian Lyne : prisonnière de la passion
Elizabeth (Kim Basinger) est une ravissante blonde, sexy et épanouie, qui travaille dans une galerie d’art à New York. Divorcée depuis peu, elle aimerait bien retrouver l’amour et sortir de sa solitude urbaine. Et voilà qu’elle croise chez un épicier chinois un mystérieux inconnu particulièrement attirant (Mickey Rourke). Pas le temps de lui parler, l’homme disparaît. Mais il reviendra rapidement sur sa route et ils finiront par faire connaissance.
Il s’appelle John, c’est un homme d’affaires, toujours en costard cravate. Très sûr de lui, séducteur, il va rapidement s’arranger pour qu’Elizabeth se retrouve sous son contrôle. Des cadeaux délicats (une écharpe, une montre) ou plus audacieux (de la lingerie), des mises en scène coquines pour éveiller son désir et sa curiosité…Un curieux jeu de l’amour s’instaure progressivement entre eux, un jeu dont Elizabeth ne maitrise pas du tout les règles.
Alors que les semaines passent, cette jeune femme charismatique va peu à peu s’abandonner dans les bras de son amant et se perdre. Emportée par la passion, soumise à des jeux de plus en plus torrides, elle va découvrir que certains amours ne peuvent se dissocier de la douleur…
9 semaines 1/2 est devenu un film culte pour son duo d’acteurs extrêmement torride et séduisant : Kim Basinger et Mickey Rourke. Truffé de scènes mémorables (le fameux strip tease de Kim Basinger sur You can leave your hat on de Joe Cocker ; la scène du frigo) , assorti d’une bande originale lubrique en diable, recelant de situations à forte charge érotique, ce film est des décennies plus tard toujours aussi fiévreux et troublant (avec un petit côté plaisir coupable non négligeable). Adrian Lyne, le réalisateur, parvient à instaurer une ambiance à la fois enivrante, mystérieuse et souvent dérangeante. C’est un voyage vers le désir, le plaisir et l’envie de posséder l’autre. Mais plus que d’amour, il s’agit ici de passion, une passion qu’on devine rapidement susceptible d’être destructrice pour Elizabeth.
Le personnage de John est à la fois attirant (Mickey Rourke était incroyablement hot à l‘époque) et dangereux. Il correspond au fantasme du trader, du businessman toujours très bien habillé, un homme de pouvoir, plein d’assurance, à l’appartement vaste et au portefeuille bien rempli. Une sorte de prince charmant ? Pas vraiment, car on comprend rapidement que dans son obsession de contrôle, John aime surtout commander, manipuler ses partenaires féminines. C’est un voyeur, il se régale de voir Elizabeth prendre du plaisir lors de ses différentes mises en scène plus ou moins malsaines. Les yeux bandés, l’exhibitionnisme, la soumission sont autant de découvertes pour Elizabeth qui témoigne d’une généreuse docilité. Mais, on s’en doute bien, ce qui plait à John c’est qu’Elizabeth soit quelque part une fille « ordinaire » qu’il incite à la débauche. C’est une femme de son temps, élégante, belle, au « cul en forme de cœur ». Elle rechigne à se soumettre, à participer aux fantaisies de son étrange compagnon mais elle s’exécute, par amour. Emprise.
Si Mickey Rourke est troublant en gentleman pervers, Kim Basinger explose de sensualité. Que ce soit lors du fameux strip tease, lors d’une projection d’œuvres d’art où elle se caresse ou encore dans la fameuse scène du glaçon. La réalisation s’attarde sur les corps de ses deux interprètes (bonheur total pour les yeux) mais aussi et surtout sur les regards, les silences. Chaque petit geste, chaque parole réserve son lot de tension érotique. 9 semaines 1/2 est donc un excellent film sur le désir mais c’est aussi avant tout un drame amoureux dans le New York des années 1980. Un New York très vivant comme nous le montre le réalisateur dès son générique où Elizabeth avance dans la foule. Individualisme, vols, solitude s’affichent en second plan, discrètement.
Très années 80 dans son style, cette œuvre pourrait paraître ringarde ou dépassée aujourd’hui. Il n’en est rien. Au contraire, on a l’impression de faire un retour dans le temps avec une bande originale certainement très branchée à l’époque et pas du tout désagréable à entendre de nos jours. Et après tout, l’amour et le désir sont bien des questions éternelles.
Face aux plans fiévreux, Adrian Lyne filme aussi une sorte de descente aux enfers pour son héroïne. John fera remarquer à Elizabeth au début de leur rencontre qu’à chaque fois qu’il la croise, elle est en train d’acheter des oiseaux. Cela n’est pas placé par hasard : au départ Elizabeth est une femme libre et peu à peu la passion va lui permettre de s’envoler…avant de se retrouver dans une cage dorée, obsédée par son amant, frustrée. Même lors de la scène du strip tease, très ludique, elle apparaît comme prisonnière derrière les stores et à de nombreuses reprises on pourra remarquer des figures, barrières, barreaux qui la présentent comme cloitrée. C’est la contrepartie de ces escaliers qu’elle ne cesse de gravir en compagnie de John, promesses d’un vertigineux plaisir.
Elizabeth se donnera-t-elle à John jusqu’à en devenir folle ? Saura-t-elle mettre un terme à cette relation passionnelle ? Celui qui souffrira le plus pourrait bien être notre golden boy au final. Comme un petit garçon pervers qui aime jouer avec des poupées, John restera seul dans son appartement à compter en espérant que son jouet lui revienne… Film culte, oui. Mais aussi et surtout film iconique sur la passion.
Film sorti en 1986. Disponible en DVD.