CINEMA
MADEMOISELLE DE JONCQUIERES d’Emmanuel Mouret : délicieuse vengeance
Emmanuel Mouret nous a rarement déçu avec ses comédies finement écrites. Il fait une incursion réussie dans l’univers du film en costumes avec Mademoiselle de Joncquières.
Librement adapté de Diderot, ce long-métrage nous amène à suivre le quotidien de Madame de La Pommeraye (Cécile de France), une jeune veuve qui mène une vie calme dans sa grande demeure. Depuis plusieurs mois, le Marquis des Arcis (Edouard Baer) loge chez elle et lui fait la cour sans répit. Consciente que cet homme est un libertin qui passe son temps à séduire et abandonner ses « proies », Madame de La Pommeraye résiste. Mais les jours passants, elle commence à croire les belles promesses de cet homme charismatique et persévérant qui apparaît terriblement amoureux.
Malgré les mises en garde de sa fidèle confidente (Laure Calamy), Madame de La Pommeraye finit par s’abandonner. Elle vit une douce passion avec le Marquis. Mais ce qu’elle redoutait le plus finit par arriver : il se lasse, la délaisse. Profondément blessée, elle décide de se venger et met en place un plan absolument machiavélique. Connaissant le Marquis par coeur, elle sait que rien ne l’obsède plus qu’une femme qui lui résiste. Elle va alors orchestrer une rencontre entre lui et une jeune femme dépeinte comme infiniment pieuse, Mademoiselle de Joncquières (Alice Isaaz). Le Marquis s’enflamme instantanément et n’imagine pas une seconde que cette demoiselle cache un lourd secret qui pourrait le mener à sa perte.
C’est un film assez délicieux de par son texte et surtout ses interprétations. Cécile de France et Edouard Baer s’en donnent à coeur joie et leur plaisir est hautement contagieux. L’ensemble est à la fois cruel et jubilatoire, saupoudré d’un humour délicat et servi par une mise en scène élégante et pleine de couleurs.
En filigrane, Emmanuel Mouret dépeint une société où l’injustice règne aussi bien entre les classes qu’entre les sexes. Le personnage de Cécile de France, pris d’une incroyable soif vengeresse, va essayer de faire payer à l’homme qu’elle aime, et à travers lui les hommes en général, cette inégalité en se jouant de ses failles. C’est bitchy comme tout, amusant mais aussi dense et plus profond que ça n’en a l’air.
Le combat de l’héroïne est à la fois noble et pourri par la perversité. Prise dans le cercle redoutable de la vengeance, Madame de La Pommeraye arrivera-t-elle vraiment à ses fins et en sortira-t-elle apaisée et grandie ? Pas sûr… Maîtrisé et solaire tout en s’autorisant une certaine gravité, Mademoiselle de Joncquières et une belle adaptation, des plus savoureuses.
Film sorti le 12 septembre 2018