CINEMA
« Les Frères Sisters » : le western sensible de Jacques Audiard
Si on aime bien le cinéma de Jacques Audiard, on avoue qu’on trainait un peu les pieds en allant voir Les Frères Sisters. C’est qu’ici, le genre du western ce n’est pas trop notre truc. Et c’est là qu’on reconnait un bon réalisateur : Audiard transcende le genre et parvient à le rendre captivant et hypnotique, même pour les réfractaires.
Comme son titre l’indique, le long-métrage suit le parcours de Charlie (Joaquin Phoenix) et Eli (John C. Reilly), deux frères chasseurs de prime qui n’hésitent pas à tirer sur leurs cibles dès que l’occasion se présente. Légèrement alcoolique et impulsif, Charlie se persuade que ce « travail » dangereux est sa destinée. Il suit les pas morbides de son père disparu et il n’a aucun état d’âme. Eli, lui, aimerait bien finir par se ranger et arrêter de mettre constamment son existence en danger.
Les deux frangins partent en quête d’un chimiste, Hermann Kermit Warm (Riz Ahmed), qui posséderait une formule magique permettant de trouver facilement de l’or. Sa tête est mise à prix pour lui voler son précieux secret. Un autre homme est sur sa trace, Morris (Jake Gyllenhaal) et il est censé collaborer avec les Frères Sisters dans sa traque. Mais contre toute attente Morris sympathise avec le chimiste. Cette amitié va changer la donne et les destinées de tous ces hommes, pour le pire et peut-être un peu de meilleur…
Outre la belle mise en scène de son cinéaste et un carré d’acteurs excellents, « Les Frères Sisters » nous embarque tout en prenant son temps car il constitue à la fois le portrait intemporel d’une Amérique qui se cherche, le parcours attachant de deux frères contraires et complémentaires, une célébration de la fratrie et de l’amitié masculine, un conte parfois cruel, une variation plus sensible qu’attendue sur le bien et le mal, la soif d’argent opposée à une quête de valeurs et de sens.
Jacques Audiard sonde joliment chacun de ses personnages, en dresse des portraits intimes, entre violence et douceur. Au coeur de cette aventure très masculine, rien n’est jamais joué d’avance et tout peut toujours s’inverser. De quoi nous tenir en haleine jusqu’à un épilogue étonnamment lumineux.
Film sorti le 19 septembre 2018
LE CRUSH DU FILM
Au rayon fantasme, tout le monde ici se fait voler la vedette par Riz Ahmed. Dans la peau d’un personnage doux et infiniment bon, il est on ne peut plus craquant, représentant à lui seul les idéaux déchus d’une nation. Jacques Audiard a une façon assez sensuelle de le filmer et on ne va pas s’en plaindre.