FICTIONS LGBT
L’ANGE de Luis Ortega : un film diaboliquement pop
Présenté au Festival de Cannes 2018 dans la section Un Certain Regard, L’ange (El Angel) est une belle révélation qui mêle avec brio thriller, film de bandit, portrait de meurtrier et thématique gay. On aime beaucoup beaucoup.
Inspiré de faits réels, l’oeuvre raconte l’histoire de Carlitos (Lorenzo Ferro), adolescent de 17 ans évoluant dans le Buenos Aires du début des années 1970. Lisse et charmant en apparence avec ses petites bouclettes d’ange, le garçon est couvé par une mère aimante et un père exigeant qui espèrent que ses petites délits finiront par s’estomper. Carlitos a en effet une passion pour le vol. Pour lui, cambrioler et voler de luxueux appartements est une façon de s’adonner à une sorte de quête de liberté. Il ne comprend pas ces gens qui se fondent dans le moule et acceptent les interdits. Quand Carlitos veut quelque chose, il se sert.
Alors qu’il fait ses premiers pas dans un lycée technique, il fait la rencontre de Ramòn, un très beau garçon qui ne semble pas le laisser indifférent. La rencontre est électrique, violente, mais ils finissent par devenir des amis inséparables. Très vite, Ramòn présente à son nouveau camarade son étrange famille : une mère un brin cougar et un père drogué, voyou et possédant des armes. Carlitos va se greffer à Ramòn et son père pour mettre en oeuvre des séries de vols. Le génie de l’ado, qui ne semble pas connaître la peur et qui a toujours de bonnes idées pour se tirer des situations les plus périlleuses, impressionne la petite famille. Mais les accidents commencent à se multiplier : Carlitos a la gâchette facile et tue plusieurs personnes sur son passage.
Carlitos et Ramòn vont finir par entamer une folle cavale. Et le désir intériorisé de Carlitos pour son ami pourrait bien être ce qui les mènent à leur perte.
C’est un film qui traite de façon originale et pop du banditisme et de la criminalité, adoptant le point de vue inconscient de son jeune anti-héros qui vole et tue en toute nonchalance. Contrairement à d’habitude, le crime est ici filmé avec une sorte de légèreté glaçante, nous plongeant dans la petite bulle mentale de Carlitos qui ne mesure pas le poids et les conséquences de ses actes. Ainsi, malgré le sang qui coule et des destins qui se brisent, l’atmosphère de « L’Ange » n’est jamais glauque et au contraire colorée et enjouée tout en réussissant à délicatement perturber. L’image est soignée, la musique omniprésente, les visages et les corps sont filmés avec désir.
Outre une réflexion sur la violence et une aspiration à la liberté de façon primitive, le portrait d’un jeune voyou et tueur iconique, le long-métrage est surtout le récit de la relation entre Carlitos et Ramòn. Le premier sort d’abord avec une fille puis on comprend rapidement qu’il est plus attiré par les garçons. Il a un coup de foudre pour Ramòn qui va peu à peu réaliser le pouvoir d’attraction, l’emprise qu’il a sur lui et parfois en jouer. Ce dernier finit par ailleurs par sortir avec la soeur jumelle de la copine de Carlitos.
Les choses se corsent quand pour servir ses intérêts et petits rêves de gloire (il s’espère en acteur), Ramòn accepte d’accorder des faveurs sexuelles à un homme riche. La jalousie et la frustration s’emparent alors de Carlitos, contraint de rester l’ami, le frangin, alors qu’il n’en finit plus de brûler de désir. Si elle témoigne bien d’une certaine perversité, cette relation est avant tout ambivalente et très cinématographique. Ramòn a de la tendresse et de l’amour pour Carlitos mais il préfère clairement les filles. Il se sert de son physique pour avancer, il donne ce qu’il peut à son comparse sans trop s’engager. Cette relation impossible sera ce qui causera leur chute.
Avec ses personnages charismatiques, son ton singulier et sa mise en scène fiévreuse, « L’Ange » est une belle proposition de cinéma aussi exigeante que divertissante. A voir !
Film sorti le 9 janvier 2019