CINEMA
TRAITEMENT DE CHOC d’Alain Jessua : le prix de la jeunesse
Sorti en 1973, Traitement de choc n’est pas vraiment resté dans les mémoires mais a de quoi intriguer puisqu’on y retrouve Annie Girardot et Alain Delon au sein d’un mystérieux institut de thalassothérapie proposant à ses résidents de retrouver la beauté et la force de la jeunesse. Forcément il y a un truc louche derrière…
Hélène Masson (Annie Girardot) débarque avec le sourire et toute disposée à se détendre à la thalasso appartenant au Docteur Devillers (Alain Delon). Elle y retrouve son fidèle ami gay, Jérôme (Robert Hirsch). Ce dernier ne tarit pas d’éloges sur l’endroit qui permettrait de se détendre comme jamais, de se redécouvrir et d’accéder à une nouvelle jeunesse.
Aux côtés de Jérôme, Hélène fait connaissance avec les autres clients de la cure : essentiellement des personnes âgées, fringantes, riches. Tout le monde voue un véritable culte au Docteur Devilers dont les mystérieuses opérations amènent chacun à se sentir extrêmement bien et revivifié. Un soir, Jérôme se confie à Hélène. Il est ruiné et désespéré, n’a plus de quoi payer pour continuer à venir à l’Institut. Il confesse réaliser qu’il se sent comme un drogué. Le lendemain, il est retrouvé mort : on présume qu’il s’est suicidé.
Ce décès ébranle forcément Hélène qui décide de quitter la thalasso. Mais on l’y retient presque de force. Au fil des jours, elle va découvrir les recoins secrets et zones d’ombres de l’endroit. Y évoluent notamment de jeunes et beaux ouvriers portugais au comportement de plus en plus suspect…
Le réalisateur Alain Jessua mélange habilement les genres livrant à la fois réflexion sociale (la domination cynique des plus riches sur les plus pauvres), thématique intime intemporelle (la peur de vieillir), thriller et fantastique. « Traitement de choc » prend par moments les allures d’un film de vampire et déploie une atmosphère tendue, parano, cauchemardesque, du meilleur effet.
Alors que le corps vieillit, les gens de la haute ont plusieurs choix : accepter leur sort, s’adonner à la chirurgie ou essayer des méthodes alternatives comme cette étrange cure de jouvence proposée par le Docteur Devilers. La communauté d’habitués qui évolue au sein de la thalasso apparait de plus en plus flippante et monstrueuse, traitant les gens de la classe ouvrière, les étrangers, comme du bétail, sans aucune humanité. Ils sont comme des vampires, des ogres, jouissant haut et fort de leurs privilèges, se comportant comme des enfants cruels et fous gambadant nus dans le décor idyllique de Belle-Île-En-Mer. Au fil du métrage, on bascule en pleine paranoïa en réalisant que derrière les privilèges et les sourires, il y a le sang et la mort.
Le film peut aujourd’hui donner l’impression d’avoir pris quelques rides mais son climat singulier et sa perversité (notamment propagée par un Alain Delon libertin cynique et sadique) continuent de laisser une belle empreinte. Annie Giradot est aussi très bien en femme vulnérable et sensible prise au piège.
Film sorti en 1973 // Disponible en VOD